L’ami (ou pas) Godard disait : « Avec le cinéma, on parle de tout. On arrive à tout. » Pour le coup, c’est peut-être bien l’un des rares moments où je serais d’accord avec lui. C’est vrai qu’on peut aborder plein d’aspects de la vie ou de l’univers avec le cinéma. Maintenant, j’avoue que je suis malgré tout toujours un peu sceptique quand un (ou des) auteur(s) se décide(nt) à utiliser le cinéma pour… regarder le cinéma. Cette démarche, je la comprends sans vraiment la comprendre. Pour moi c’est un peu comme choisir de peindre la copie d’un tableau, d’acheter une caméra juste pour filmer un écran, ou bien encore de prendre un micro juste pour le coller contre l’enceinte à laquelle il est relié. Certes, ça peut être marrant, c’est très « méta », mais me concernant, ça ne dure que deux minutes et ça ne remplacera pas une vraie œuvre qui a décidé de regarder le réel plutôt que de se regarder elle-même. Pourquoi je dis ça ? Eh bien tout simplement parce que c’est pour moi un peu tout le problème de cet « Avé César ! » En même temps, je dis ça, mais comme vous pouvez le constater, j’ai quand même mis une note de 3/5, ce qui est loin d’être représentatif d’un film qu’on n’a pas aimé. Parce que oui, malgré mes réserves, j’ai quand même aimé « Avé César ! » Les Coen restent les Coen. Même quand je n’accroche pas à ce qu’ils me racontent, je trouve qu’il y a toujours un art véritable à savoir raconter les histoires, un savoir-faire formel hors du commun, une capacité à produire ponctuellement des personnages ou des situations absolument formidables. Et pour le coup, de mon point de vue, on a clairement ça dans « Avé César ! » Pour être entièrement honnête avec vous, je pense que je n’aurais pas assez de trois pages pour vous évoquer tous les gags, mimiques, répliques qui m’ont fait me délecter dans mon fauteuil durant ces presque deux heures de film. Oui, trois pages, au bas mot ! Alors je me doute que quelques uns réagiront face à une telle affirmation. S’il y a tant de choses qui me plaisent dans ce film, pourquoi bouder mon plaisir avec un simple 3/5 ? Eh bah malheureusement pour une raison toute simple, c’est que cette accumulation, dans mon cœur, n’a pas su faire un tout. Si les détails sont savoureux, j’ai trouvé malheureusement que la dynamique d’ensemble était incroyablement poussive. Et c’est là que l’idée de faire du cinéma pour seulement discourir sur le cinéma me dérange beaucoup. Ça ne me parle pas. Ça n’a pas cette portée universelle sur l’humain que pouvaient avoir des « Fargo », « Big Lebowski » ou autres « No Country For Old Man ». Ça ne reste finalement que « méta » ; du plaisir intellectuel qui ne sait pas se raccorder au monde, qui ne sait pas se raccorder à la vie, qui ne sait pas se raccorder aux tripes. Alors je ne dis pas : certains aimeront. Moi, ce n’est juste pas ma tasse de thé. Dommage, parce qu’encore une fois, il y a quand même de belles choses dans ce film, notamment une remarquable interprétation du trio Clooney (toujours) / Fiennes (inévitable) / Eirenreich (confirmation que j’attendais personnellement). Rien qu’avec ça, ajouté aux multiples gags basés sur des sous-entendus ou bien sur le génial humour absurde des Coen, il y avait tout là le terreau nécessaire pour voir fleurir un nouveau chef d’œuvre des frères Coen. Les fans de démarche « méta » et autres exercices de style le considéreront certainement comme tel. Pour des gens comme moi, c’est juste un bon moment un peu trop creux et exigeant à mon goût. A vous maintenant de savoir où vous vous trouvez là-dedans…