Les critiques ont eu la dent un peu dure avec le dernier film de Joël et Ethan Coen, en la qualifiant de « très belle coquille vide », même si crois comprendre d’où vient leur légère déception. Le sujet est ambitieux et franchement, dépeindre de l’intérieur le monde des studios de cinéma des années 50, sur le papier en tous cas c’est drôlement excitant. A cette époque, les studios sont puissant, autant qu’aujourd’hui mais surement pas de la même manière. Les stars, les scénaristes, les réalisateurs sont sous contrats, ils n’ont leur mot à dire sur rien, ils ne décident de quasiment rien, y compris dans leur propre vie personnelle pour ce qui concerne les acteurs les plus en vue. Les (mauvais) films se font à la chaine, selon des cahiers de charges intangibles : on tourne, on tourne, pourvu que ça rapporte… Heu… Dit comme cela, à la réflexion, ça n’a peut-être pas tellement changé, finalement… ! « Ave César ! » explore assez finement ce petit monde aux rouages hyper huilés, à travers le personnage central d’Eddie Mannix, parfaitement incarné par Josh Brolin. Brolin n’est qu’un petite partie d’un casting de tout première classe, et c’est assez jouissif de voir George Clooney en acteur star cabotin. Les frères Coen se sont offert un casting de star, dont certaines ont accepté des rôles à la limite de l’anecdotique, comme Scarlett Johansson ou Frances Mac Dormand (la seule scène où elle apparait, en monteuse, est l’un des plus drôle du film, Christopher Lambert (c’est ainsi qu’il est nommé au générique !), Ralph Fiennes ou bien encore Channing Tatum. Mais je vais adresser une mention spéciale à Alden Ehrenreich. Il incarne de façon très réussie et très drôle un pseudo acteur de western incapable de jouer autre chose qu’un cow-boy, incapable même de marcher correctement, ouvrir une porte, et je ne parle même pas de lui faire dire la moindre réplique ! Son personnage incarne à lui seul toute la stupidité du star system de l’époque et les scènes où il apparait sont toujours croustillantes. Si cela se trouve, son personnage est une parodie de l’« acteur » Elvis Presley ! On pourra objecter que le scénario d’ « Ave César ! » ne fait pas dans la dentelle, que ce soit pour les personnages (celui d’Ehrenreich en est le parfait exemple) ou pour l’intrigue. Mais c’est souvent le cas avec les frères Coen, parfois il grossissent le trait tellement qu’on flirte avec la parodie. Dans le cas d’ « Ave César ! » c’est plus subtil que cela. Le film parodie le monde du cinéma des années 50 mais il adopte ses codes en faisant jouer ses acteur de façon un peu trop expressive, en les faisant faussement conduire devant les décors qui bougent, en usant et abusant du fondu-enchainé, en multipliant les scènes improbables (le sous-marin, franchement…), les frères Coen jouent aux poupées russes, ils font une parodie sur une parodie, une peu comme l’avait fait Michel Hazanavicius avec ses « OSS 117 », c’est un peu la même démarche. Du coup, pour le spectateur, c’est assez jouissif ! Le seul problème du film ne réside ni dans sa forme, ni dans son casting, ni même le sujet qu’il aborde, le problème du film c’est que, très vite, il se délite faute d’une vraie intrigue centrale : « Ave César ! » n’a pas de colonne vertébrale. On pourrait croire que le kidnapping est le nœud de l’intrigue mais au final, il n’occupe pas la majorité du scénario, et ce n’est pas lui qui est à l’origine des meilleures scènes. Nombre de petites intrigues gravitent autour de celle-ci, comme des satellites et elles finissent par disperser l’attention, souvent pour le meilleur mais quand même, c’est dommage, car l’impression finale est celle d’un film plein de bonne intention qui s’éparpille constamment. Même si on passe un très bon moment et qu’on ne s’ennui pas une seule seconde, « Ave César ! » finit par devenir un peu fumeux et insaisissable. C’est surement ça que les critiques ont appelé l’effet « très jolie coquille vide » et je peux le comprendre. Mais quand même, malgré ce défaut, on passe un très bon moment, on ne voit pas le temps passer et on rit franchement grâce à bon nombre de scènes parfaitement dialoguées. Joël et Ethan Coen sont de bons scénaristes, de très bons réalisateurs mais se sont surtout de super dialoguistes, et « Ave César ! » le prouve une fois de plus.