Il y a deux façons d'aborder « Ave, César! ». Soit on se dit qu'avec un tel projet et de tels réalisateurs, le film aurait dû être un chef-d'œuvre. Soit on tient compte des critiques parfois très moyennes reçues, et on se dit que ce n'est vraiment pas si mal. Car je l'avoue sans peine : hormis peut-être « Inside Llewyn Davis » (et encore), cela fait quelques temps que les frangins me font nettement moins rêver. Ces derniers restent des plasticiens extraordinaires, mais ont beaucoup de mal à retrouver la verve et la folie qui caractérisaient « Fargo » et autres « Miller's Crossing ». D'ailleurs, ce nouveau titre confirme certaines difficultés actuelles des Coen : narration parfois déconcertante, grandes difficultés à garder une ligne directrice forte, écriture nettement moins jouissive qu'elle n'a pu l'être, la convocation d'un casting cinq étoiles paraissant bien discutable tant beaucoup se contentent d'apparitions plus ou moins réussies. Reste qu'au final, j'y ai plutôt trouvé mon compte. Cela a beau être moins drôle qu'espéré, beaucoup de scènes ont très bien fonctionné sur moi, cette plongée dans le Hollywood des années 50 selon un point de vue plutôt original gardant quelque chose de mordant et souvent savoureux. Voir ce « fixeur » chargé de régler en interne les potentiels scandales provoqués par les stars se débattre dans tous les sens avec un aplomb de tous les instants offre une matière idéale pour offrir pas mal de bons moments, surtout lorsque, comme moi, vous êtes un adorateur de cette époque. D'ailleurs, la plupart des séquences évoquant un grand genre de l'époque
(comédie musicale, péplum, western, mélo)
ont beau ne pas apporter énormément à l'intrigue, elles restent suffisamment drôles et bien menées pour que cela fonctionne. De plus, malgré ce petit souci de fil conducteur, l'ensemble se tient en définitive assez bien, les sous-intrigues restant bien dans le ton, la volonté des frères de traiter d'un coup tous les tabous de l'époque s'avérant plutôt payante, à défaut d'être aussi jubilatoire et grinçante que prévu. Enfin, le film peut comme toujours compter sur un casting impeccable, notamment le trio Josh Brolin - George Clooney - Alden Ehrenreich, le second s'avérant même au sommet de son art comique dans un rôle d'idiot particulièrement savoureux. Bref, j'ai beau commencé à renoncer à revoir un jour une œuvre majeure signée par le duo, il y a toujours du positif à retenir dans ce cinéma somme toute largement au-dessus de la moyenne : légère déception, sans doute, mais un film à voir, assurément.