On l’attendait de pieds fermes ! « Avé, César » débarque enfin sur nos écrans ! Les frères Coen nous promettaient une comédie décalée… et ils l’ont fait ! Coup de génie ou coup de bluff ? Difficile à dire car si la folie est au rendez-vous, elle n’est pas poussée jusqu’au bout et c’est bien dommage.
Véritable hommage au cinéma des années 50, « Avé, César » nous présente des scènes sublimes mécaniquement huilées et magnifiquement interprétées. Nombreux sont les clins d’œil aux vedettes de l’époque : James Dean, Fred Astaire… ils ne sont pas nommés comme tels mais la ressemblance avec ces personnalités ayant existés n’est pas fortuite. Qu’il est bon de se plonger dans une époque où les studios marquaient de leurs lettres d’or de grands péplums, de bons westerns ou des comédies musicales hors normes. Durant 1h40, on se ballade dans les coulisses de cette machine à sous et à rêves. L’immersion est totalement réussie et on se complait dans cet univers d’apparats, de paillettes et de non-dits. En effet, tout est mis en œuvre par les studios pour ne pas égratigner l’image des grands acteurs, de ce qu’ils représentent et à travers eux, la dignité de leurs employeurs.
Pour gérer tout cela, les maisons de production font appel à un « fixeur », incarné ici en la personne d’Eddie Mannix, personnage ayant vraiment existé dans les années 50. Mais qu’est-ce qu’un fixeur ? En politique, il s’agit d’un accompagnateur, une personne connaissant au mieux les régions critiques et faisant office d’interprète, de guide ou d’intermédiaire. Dans le monde du cinéma, c’est un peu pareil. Mannix doit jongler avec les crises d’égo des uns, les problèmes personnels des autres, fait en sorte de répondre aux demandes des producteurs/réalisateurs tout en ménageant les acteurs. Véritable homme d’influence, ils oeuvrent en toute discrétion pour que les tournages se déroulent au mieux.
Pour interpréter ce personnage de choix, les frères Coen ont jeté leur dévolu sur l’impeccable Josh Brolin, à qui la fine moustache et le look rétro vont à merveille. Après « Sicario » et « Everest », l’acteur américain opte pour un rôle moins grave et incarne le seul personnage droit de l’histoire. Concerné et impliqué, il évolue dans un monde totalement « crazy » où tout doit se régler à l’instant T.
Car on l’a dit, les frères Coen se sont fait plaisir et nous offre une comédie loufoque sur fond de scénario en demi-teinte… Sur papier, le film est rempli de promesses qu’il peine à tenir : l’enlèvement improbable par un groupe de communistes caricatural d’un George Clooney complètement passif, des intrigues secondaires qui manquent d’ambition, des scènes belles mais inutiles qui n’apportent rien à l’intrigue et sont justes le prétexte pour animer tout ce petit monde. 1h40, c’est peu mais largement suffisant pour un tel scénario !
Heureusement, ce qui sauve le film, c’est l’interprétation burlesque de ses comédiens. George Clooney aime casser son image de marque et le fait si bien. Dernièrement dans « A verry Murray Christmas » où il n’hésite pas à pousser la chansonnette, ici en acteur de péplum au sommet de son art dramatique frôlant le pathétique sans jamais y concéder. Tel un funambule, il parviendra à se maintenir dans son rôle sans jamais faire le pas de trop.
Pareil pour Alden Ehrenreich (« Blue Jasmine », « Twixt ») jeune révélation hollywoodienne dans le film, caricaturé en acteur de western peu perspicace. Peu populaire dans notre paysage cinématographique, il prend une place relativement importante dans le film d’Ethan et Joël et prendra peut-être un envol à l’issue de ce rôle cliché mais appréciable.
Dans les rôles secondaires, on notera aussi la prestation de Ralph Fiennes, grandiose en metteur en scène dandy (Laurence Lorenz) qui tente de garder son calme face à un acteur débutant particulièrement incompétent. Amoureux des textes et de l’interprétation dramatique, il aura bien des peines à rendre subtil le jeu du cow-boy préféré de ses dames. La rencontre entre Alden et Ralph permet quelques moments de franche rigolade délectable. C’est d’ailleurs l’occasion de souligner l’excellent travail de dialogues qui a été fait sur le film et qui nous permet d’assister à des échanges mémorables entre certains protagonistes.
Scarlett Johansson quant à elle, y tient un rôle dispensable mais savamment interprété. Tout aussi cliché que ses comparses, elle remplit le contrat et entre dans la danse avec véhémence.
Et le film réserve aussi quelques belles surprises. Ainsi, on sera amusé de voir apparaître, Christophe Lambert (Christopher au générique?!), Tilda Swinton (« Crazy Amy », « Narnia », « We need to talk about Kevin »), l’incroyable Channing Tatum (acrobate, chanteur et danseur hors pair dans une scène d’anthologie), Jonah Hill, personnage de l’ombre efficace ou encore Wayne Knight (Dennis Nedry dans « Jurassic Parc »
Sorte de « Grand Budapest Hotel », pour l’esthétique et son casting de rêve, « Avé, César » a cependant la folie beaucoup plus douce que ce premier et reste un beau film plutôt qu’un bon film. Les frères Coen nous ont déjà prouvé qu’ils peuvent faire bien mieux