Je ne sais pas pourquoi mais parfois on pressent avant même d'avoir vu un film qu'il nous plaira, et ce fut exactement le cas avec "L'Incomprise". Asia Argento a su raconter avec habileté un petit conte sur la vie d'une enfant italienne dans les années 1980.
Aria, âgée de 9 ans, est la fille d'un acteur superstitieux, aspirant à une renommée mondiale, et d'une pianiste qui organise fréquemment des tournées européennes.Tous deux ont eu auparavant, chacun de leur côté, une fille, et leur couple ne résiste pas à une ultime dispute au début du film. Aria va donc alterner entre les deux appartements de ses parents, qui changent sans cesse de comportement à son égard ; ils peuvent aussi bien être tendres avec leur fille, qu'agressifs ou même violents selon les situations. Face à des parents qui ne font finalement que privilégier ses deux demi-soeurs, Aria se sent incomprise......
C'est une histoire relativement simple, qu' Asia Argento a très bien pu développer.
Après une toute première séquence à mon avis trop théâtrale voire même surjouée, je craignais que la suite soit à l'avenant, mais la réalisatrice italienne a su donner au film une toute autre dimension, se concentrant sur un portrait réaliste et touchant de la jeune fille.
Aria est ainsi présentée comme un personnage attachant qui vit dans l'ombre de ses parents, tout en cherchant à s'en détacher et à devenir autonome : elle se coupe les cheveux à la garçonne après leur rupture, adopte un chat, organise une fête chez son père et y invite toute son école...
Aria est souvent livrée à elle-même, quand aucun de ses parents ne l'accepte chez lui. Elle erre alors dans les rues de Rome, avec son chat et son énorme bagage. Ces scènes de vagabondage, trop répétitives à mon goût, symbolisent la solitude dont est victime la petite fille.
Cette enfant qui divague entre bonheur et tristesse, n'est pas sans rappeler l'Antoine Doisnel de François Truffaut, le film rendant hommage de manière évidente aux "400 coups". Ainsi l'on retrouve la célèbre réplique "Ma mère est morte" dans un long métrage qu'Aria regarde à la télévision déclare; Aria fait l'école buissonière avec son amie, fume, vole le courrier mais est prise la main dans le sac par le concierge qui promet d'appeler la police. Pour s'exprimer, Aria utilise comme seul moyen l'écriture ce qui lui permet de gagner un concours organisé par la ville de Rome. Dans le même temps, ses relations avec ses parents et avec ses camarades d'école se dégradent progressivement.
S'agissant des acteurs, Giulia Salerno, jeune actrice à l'allure androgyne, est parfaite dans le rôle de cette enfant innocente mais d'une certaine force de caractère. Il y avait également longtemps que je n'avais pas vu Charlotte Gainsbourg dans un bon film, dans un film tout court à vrai dire. Et quelle bonne idée de la part d' Asia Argento, d'avoir composé dans le scénario le personnage de la mère pour la fille de Serge Gainsbourg. L'actrice a appris l'italien pour l'occasion et interprète très bien cette mère égoïste et égocentrique, qui n'a que faire de sa petite dernière et vole d'amants en amants.
L'esthétique et les couleurs employées par la réalisatrice italienne sont aussi un trait marquant de l'"Incomprise". J'ai beaucoup apprécié les teintes fluo, ainsi que le grain spécial des images, qui donne un effet polaroïd vintage rappelant les années 1980.
Dans cet esprit, la recherche des décors et des looks des personnages est intéressante : on peut entre autres noter la chambre entièrement rose flashy de l'aînée du père, comble du mauvais goût, et les tenues exubérantes de l'adolescente.
Un petit bémol cependant pour la bande son qui enchaîne sans vraies liaisons des tubes de l'époque, et reste trop présente à mon avis.
Mises à part ces quelques imperfections, Asia Argento réalise une très belle fable sur l'enfance, qui arrive à égayer le spectateur, malgré un sujet plutôt difficile.