En cette époque d’orgie incessante de super-héros sur grand écran, la saga "X-Men" a souvent su tirer son épingle du jeu. Le premier opus avait ouvert le ban à ce genre de productions (juste avant le carton du "Spiderman" de Sam Raimi), le second épisode est une des meilleures suites réalisées à ce jour et, après un troisième opus inégal, le "First Class" de Matthew Vaughn frôlait le chef d’œuvre par sa fraîcheur et sa créativité. Malheureusement, pour la saga, la Fox a considéré que le génie de Matthew Vaughn était trop encombrant et a préféré rappeler le déserteur Bryan Singer, réalisateur des deux premiers volets (très réussis du reste). "Malheureusement" parce que, déjà dans "Days of the future past", on pouvait constater que le talent visuel du bonhomme (à qui on doit "Usual Suspects" quand même !) s’était visiblement éventé au profit d’une réalisation, certes honnête, mais sans âme. Cet épisode parvenait, pour autant, à se démarquer grâce à l’idée fantasmatique de réunir les castings de l’ancienne et de la nouvelle saga… qui avait abouti à un carton plein au box-office. C’est, donc, en toute logique (commerciale) que Singer revient aux manettes de ce sixième opus… qui ne bénéficie pas d’une "idée" aussi attrayante. Ainsi, bien qu’il mette en scène un des méchants les plus connus du comics (et, accessoirement, un des plus puissant), "Apocalypse" confirme que le réalisateur a bien perdu son mojo. Sa mise en scène est, ainsi, d’une platitude coupable et ne fonctionne que, par à-coups irréguliers
(voir, par exemple, la nouvelle scène fun de Vif-Argent, sur le "Sweet Dream" de Eurythmics… qui reste une resucée, en plus poussée, dans sa scène dans l’opus précédent)
, noyés sous une tonnes de scènes explosives et autres affrontements qui n’impressionnent plus personne depuis longtemps ! Singer a, ainsi, été phagocyté par le cahier des charges (visiblement trop lourd pour lui) et a perdu, au passage, toute l’émotion de son cinéma… qu’il handicape, de surcroît, à de multiples reprises, par des SFX tout simplement indignes d’un blockbuster à plus de 200 millions de dollars ! Le réalisateur parait, également, très encombré par un scénario invraisemblablement léger sur le plan de l’intrigue et visiblement étouffé par son nombre d’intervenants à qui il doit donner un rôle. Une fois encore, il semblerait que Singer soit mal à l’aise avec l’extraordinaire remise à niveau orchestrée par Matthew Vaughn puisque, non seulement, il confirme qu’il ne sait pas exploiter convenablement les personnages choisis par ce dernier (Magnéto est bridé, Le Fauve aussi, Moira McTaggert revient de façon ridiculement opportune et ne sert plus à rien ensuite, Havok est juste utilisé pour faire le lien avec son frère Cyclope…) mais, surtout, il se contente de recycler les liens créés entre les personnages (voir de les faire régresser), par le biais de scènes qui font plus "passage obligés" qu’avancées scénaristiques (les discussions prévisibles entre Xavier et Magneto, les retrouvailles expresses entre Le Fauve et Mystique…). Le recyclage semble, d'ailleurs, être le maître mot de l'intrigue qui reprend bon nombre d'axes scénaristiques des autres opus (alliances des ennemis d'hier contre un danger commun, questionnement autour de l’eugénisme, traque de Magneto qui se paie un nouveau drame familial expliquant sa colère...). Et, malheureusement, Singer n’apporte pas grand-chose de nouveau à la saga pour combler ses carences. Les nouveaux "méchants" sont, d’ailleurs, symptomatiques du manque de saveur du film, que ce soit Angel (Ben Hardy) privé de toute écriture, Psylocke (Olivia Munn) qui n’est qu’un physique sur pattes, Tornade (Alexandra Shipp) qui a déjà un peu plus de potentiel mais qui n’est qu’effleuré de loin ou, encore le big boss Apocalypse (Oscar Issac) qui parait bien statique dans ses mouvements et dans ses motivations basiques, somme toute basiques. Les nouveaux élèves bénéficient d’une attention un peu plus poussés (Sophie Turner en Jean Grey, Tye Sheridan en Cyclope, Kodi Smit-McPhee en Diablo…) mais, là encore, ils peinent, en l’état, à recréer le capital sympathie de leurs illustres aînés… qui, il est vrai, ne souffraient pas du même trop-plein de personnages ! Ce trop-plein nuit même aux tauliers que ce sont James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence et Nicholas Hoult… et qui, pour la première fois, semblent cachetonner ! Un détail m'a, d'ailleurs, amusé, à savoir la disproportion de personnages bleus (particulièrement voyante sur l'affiche ou lors des combats) qui n'a visiblement perturbés personne lors des travaux préparatoires... et qui crée un déséquilibre visuel, privant le film de la diversité à laquelle la saga nous a habitué. Enfin, Singer tend vraiment le bâton pour se faire battre avec le caméo (stupidement éventé par les bandes-annonces !) de
Wolverine (Hugh Jackman bien évidemment)
qui n’arrangera pas sa réputation selon laquelle
il ne peut pas se passer du mutant griffu
… Cette scène est pourtant gentiment réussi et, surtout, conforme que "Apocalypse" est, incontestablement, l’épisode le plus violent de la saga (on voit pas mal de sang et de désintégration pour ce genre de productions)… ce qui a, au moins, le mérite de démarques un peu le film de ses prédécesseurs. De manière plus général, je me montre forcément plus exigeant (et, donc, plus dur) avec ce film, en raison de l’attente suscité et des certains choix incompréhensibles (à commencer par l’éviction de Vaughn ou la persistance de Signer à ne pas utiliser les génialissimes thèmes musicaux de "First Class") qui m’empêchent de ne pas penser au (meilleur) film auquel on aurait pu avoir droit. Mais, en toute objectivité, "X-Men : Apocalypse" reste un divertissement tout a fait acceptable, qui se regarde sans déplaisir et qui multiplie les clins d’œil aux fans
(le look 80’s de Tornade, l’évocation de l’identité du père de Vif-Argent, la perte des cheveux de Xavier, le remake de l’échange entre Xavier et Magneto sur l’éventualité de l’envahissement de son Ecole…).
On peut, également, apprécier l’exploitation faite par Singer de la "remise à plat" de l’épisode précédent, qui rend acceptables certaines entorses scénaristiques
(à commencer par le rôle de guide générationnel de Mystique
). C’est suffisant pour apprécier le film comme un bon blockbuster sans prétention… mais sûrement pas pour l’empêcher de prétendre au titre de moins bon épisode de la saga "X-Men", derrière "L’affrontement final" de Brett Rattner, pourtant si décrié. Espérons que le succès relatif du film au box-office amènera la Fox à nous rendre, enfin, Matthew Vaughn !!