Ça aurait dû être un feu d'artifice. Le point culminant d'une nouvelle trilogie quasiment parfaite qui avait réussi à faire de chaque "X-Men" un rendez-vous incontournable.
Matthew Vaughn avait magnifiquement ressuscité la franchise avec "First Class" en allant retrouver l'esprit de la saga dans ses origines. Bryan Singer était ensuite revenu aux manettes pour signer un des sommets de l'histoire cinématographique de nos mutants favoris avec un deuxième épisode à base de voyages temporels. Tout en annihilant le très moyen "Affrontement Final" de Brett Ratner de l'histoire X-menienne, "Days of Future Past" s'achevait sur une scène post-générique dantesque nous annonçant l'arrivée d'Apocalypse, le premier des mutants. Autant l'avouer, on en salivait à l'avance.
Et puis, on a vu le film.
Pas mal de monde rêve de voir les droits des X-Men retomber dans le giron des Marvel Studios afin que la bande à Wolverine vienne faire un petit coucou à ses copains Avengers.
Pourtant, ce serait perdre tout ce qui fait le sel et le charme de cette saga. Ces films originaux et finalement plutôt complexes par les thématiques abordées se transformeraient ainsi en long-métrages toujours divertissants mais répétant inlassablement la même formule (à quelques variantes près heureusement) pour s'assurer toujours le même succès. En clair, la Fox perdrait cette sympathique indépendance super-héroïque qu'elle a réussi à se créer grâce à cette franchise autant saluée par la critique que par le public.
Le problème c'est qu'avec cette "Apocalypse", la Fox semble avoir complètement changé de stratégie et part clairement lorgner sur les terres de Marvel Studios en nous livrant une sorte de simple best-of de la saga.
C'est simple, tout ce qui a fait le succès des X-Men sur grand écran s'étale devant nous... et c'est bien le souci : on a déjà plus ou moins vu tout ça dans les précédents films (et souvent en mieux).
Les sempiternelles tergiversations de Magneto sur le camp à choisir le transforme en éponge émotionnelle caricaturale - Fassbender a beau être fabuleux pour nous faire avaler des couleuvres, on n'y croit plus.
On tente de retrouver l'esprit fun-school des adolescents de "First Class" avec les petits nouveaux de l'établissement du Professeur Xavier mais ça ne prend hélas pas.
On part refaire un tour dans une certaine base militaire secrète déjà aperçue dans la précédente trilogie pour simplement justifier l'apparition (inutile) d'un célèbre mutant.
Vous avez pris votre pied devant la séquence de Quicksilver dans "Days of Future Past"? Et bien, vous le prendrez à nouveau devant une nouvelle version améliorée et cette fois accompagnée d'un morceau culte des 80's.
L'inlassable empathie de Charles Xavier pour ses nouveaux élèves (et aussi pour son meilleur ami/ennemi Magneto) devient horriblement répétitive (l'apprentissage par le pauvre Scott Summers de son pouvoir renvoie tellement à de bien meilleures scènes).
On pourrait continuer comme ça pendant des heures tant "Apocalypse" se vautre dans le déjà-vu et le fan-service facile...
Mais, plutôt que de regarder vers le passé comme le film se complaît à le faire, intéressons-nous aux nouveaux éléments.
Il y a bien sûr le gros super mutant millénaire tout vilain (dans tous les sens du terme), Apocalypse. Content d'être réveillé dans nos années 80 blindées d'armes nucléaires après avoir fréquenté l'Égypte antique, ce grand méchant va bien évidemment vouloir reprendre son statut de faux-dieu et réduire la planète en cendres (on vous a dit qu'il était méchant, punaise !). Bien loin de sa stature imposante de quasi-divinité des comics, le film peine à rendre justice au personnage. Bien sûr, sa surpuissance ancestrale se traduit à travers sa faculté de cumuler tous les pouvoirs et des scènes de destruction impressionnantes. Mais le look malheureux du personnage et un rôle réduit à sa plus simple ambition (tout détruire) nous le feront très vite oublier.
En gros, Apocalypse passe son temps à recruter ses quatre Cavaliers, leur faire de chouettes costumes (il y a visiblement du Karl Lagerfeld qui sommeille en lui) et à construire des pyramides affreuses sur les ruines des villes qu'il détruit en faisant léviter tout un tas de trucs avec l'aide de son nouveau BFF Magneto. Seule sa confrontation avec Xavier parviendra enfin à démontrer que le personnage avait plus de potentiel que ce manichéisme primaire.
Du côté des nouveaux mutants, on reste aussi sur notre faim. À part l'importance obligatoire de certains (Cyclope, Jean Grey, Tornade), les autres ne sont là que pour nous en mettre plein la vue avec leurs pouvoirs. Le comble est atteint avec la pauvre Olivia Munn en Psylocke quasi-muette et juste bonne à faire des bidules violets en tenue sexy. Et le retour d'Angel avec des ailes rebootées semble aussi inutile que son apparition dans "X-Men 3".
Mais bon, tout ça fait des scènes visuellement chouettes à l'écran, c'est le principal...
Mais, au-delà de toute cette vacuité apparaissant dès lors que l'on prend le temps de gratter le vernis qui entoure "X-Men - Apocalypse", force est de constater que le film fait quand même pleinement son job de blockbuster super-héroïque. On ne s'y ennuie pas une seule seconde, les acteurs principaux sont toujours au rendez-vous, Bryan Singer sait nous en mettre plein les mirettes dès que ses mutants passent l'action, il y a un véritable plaisir à retrouver des figures incontournables comme Jean Grey ou Diablo et surtout de bonnes idées émergent ici et là comme le retour du personnage de Rose Byrne, synonyme d'un bel impact émotionnel pour l'un des personnages.
Bref, on passe tout de même un indéniable bon moment mais celui-ci est tellement accompagné de déceptions que l'on en vient à se demander si les derniers épisodes des trilogies X-Men ne seraient pas les victime d'une terrible malédiction. Certes, "Apocalypse" n'atteint pas les errements de l'opus de Brett Raner mais le film ne semble exister que pour faire plaisir à tout le monde en se contentant du strict minimum, sans réel génie.
Comme si la Fox avait déjà cédé les droits des X-Men aux Marvel Studios en somme.
Et voir le nom de l'initiateur de cette brillante saga sur grand écran, Bryan Singer, apposé sur ce nouvel épisode est sans doute la plus grande des déceptions.
NB : L'unique scène post-générique fait intelligemment dans la référence aux comics et annonce (on espère) des bonnes choses pour la suite des aventures d'un certain mutant.