L’inconscient collectif allemand semble aujourd’hui capable de rire, si pas du 3ème Reich, en tout cas de la figure hitlérienne et à mon sens, c’est plutôt une bonne nouvelle. Si ce n’est certainement pas lui qui a causé la première fissure à ce mur de la mauvaise conscience, le best-seller de 2012 de Timur Vermes y a certainement joué son rôle, en imaginant le Führer propulsé par magie dans le monde d’aujourd’hui : après un instant de stupéfaction face à la société ouverte et une rapide prise de conscience de son fonctionnement, un Adolf H. décomplexé repart à l’assaut du pouvoir, bien décidé à “sauver� l’Allemagne d’elle-même. A l’écran, le concept fonctionne comme n’importe quelle comédie conçue sur la dichotomie anachronique entre personnage et environnement (‘Les visiteurs’, quelqu’un…?), le côté sulfureux du nazisme en plus : le résultat s’avère raisonnablement drôle et absurde...enfin, autant que peut l’être un film allemand. Mais “Il est revenu� ne se cantonne pas étaler ses anachronismes potaches : ce qu’il entend démontrer au passage est autrement plus inquiétant. Loin de le dépeindre seulement comme le bouffon caractériel que beaucoup ont la paresse mentale de l’imaginer, le film prend le parti de montrer comment Adolf Hitler, véritable animal politique au charisme intact, exploiterait aisément les failles et les paradoxes de la démocratie libérale allemande, comme il l’avait fait 80 ans plus tôt et comment son discours, bien relayé par des médias complaisants qui ne voient en lui qu’un hurluberlu schizophrène et ne raisonnent qu’en terme d’audimat, parviendrait encore une fois à parler aux recoins les plus obscurs de l’âme allemande. Histoire d’enfance le clou, le film mêle scénario scripté et procédé à la “Borât� : l’acteur qui joue le Führer se balade en rue et interagit avec des citoyens ordinaires comme s’il menait une réelle campagne électorale, sans qu’on soit jamais certain du moment où le script s’arrête et la caméra cachée prend le relais. Evidemment, le procédé n’est pas totalement identique : contrairement à ce qui se passait en présence des multiples avatars de Sacha Baron Cohen, personne ne nourrit le moindre doute sur le fait que ce n’est pas l’authentique Hitler qui s’adresse à eux. Pourtant, la bonhomie avec laquelle ces citoyens ordinaires considèrent l’acteur et prennent des selfies avec lui, sans parler de ceux qui profitent du surréalisme de la situation pour claironner à quel point ils partagent les idées hitlériennes, témoigne à loisir qu’il y a peut-être bien quelque chose de pourri au royaume d’Angela...