Acheter bon marché, vendre cher, telle est la première loi du commerce. Commercer du virtuel, tel est le vice fondamental. Avec des produits, des extraits de produits, à l’intérieur de marchés eux-mêmes virtuels, engloutissant dans l’euphorie cocaïnée le monde à sa perte. Ce monde orgueilleux et fou qui soumet son existence et ses valeurs à ce postulat pathologique.
Transformer les richesses du monde en argent fictif et engager son sort sur d’enivrantes et fanatiques parties de jeu vidéo dans lesquelles le démon du jeu détourne les joueurs de tout bon sens, valeurs et réalités.
Observer les requins, maitres des jeux à la vue si courte, fermer les yeux sur toutes les malversations, triches et exploitations financières des drames de la planète, tant qu’ils y gagnent, et trembler, gémir et condamner le fusible humain qu’ils ont sous la main quand ils perdent et se retrouvent à poil.
Parvenir à l’exploit de montrer humain, et même sympathique, notre protagoniste du jour, Jérôme Kerviel, joueur fou et déconnecté par sa folie des grandeurs, tristement célèbre trader à la Société Générale, qui la coula de 5 milliards d’euros en jouant au tout-puissant casino virtuel.
Voici les notions principales qui émergent de ce film, basé sur la véritable histoire de l’homme et du désastre boursier de la banque en 2008. Je ne sais pas si les ambiances hystériques, graveleuses, exaltées, accablées, exutoires sont trop lourdes et excessives ou au contraire en-dessous de la réalité, mais la mise en scène montre à quel point l’excès compense l’excès dans cet univers de jonglerie démesurée, de corruption complice et encouragée de la hiérarchie, d’insoutenable et continue tension nerveuse débilisante, bien rendues à l’adresse des néophytes de la bourse. Tiré d’un des bouquins de Kerviel, le film prend le parti de nous identifier à ce jeune financier brillant, son parcours ascensionnel, sa témérité, ses gains insensés et les vertiges qui vont avec, son illusion addictive d’une religion de supermarché et sa victimisation finale.