Derrière ses petits airs du « Loup de Wall Street » à la française, « L’outsider » nous livre un film extraordinaire sur l’histoire de Jérôme Kerviel. Passionnant, le dernier long métrage de Christophe Barratier nous entraîne dans les coulisses d’une incroyable réussite qui se transformera en un fiasco boursier jamais vu auparavant. Le responsable ? Jérôme Kerviel. Entrée en 2000 à la banque Société Générale, ce jeune breton a beaucoup d’ambition. Admiratif des valeurs de la maison, il met tout en œuvre pour devenir un trader performant et obtient son précieux galon en 2005. Durant deux ans, le trentenaire parvient à réaliser des bénéfices considérables et à jouer en bourse avec une aisance et une intelligence que beaucoup peuvent envier. Mais à force d’avoir les yeux plus gros que le ventre, le jeune homme va déraper et faire perdre beaucoup d’argent à la société qui l’a engagé.
La bande annonce, très attractive, résume assez bien ce que nous trouvons dans ce film : la folie du business, la pression des traders, les réussites, les échecs sans pour autant nous assommer de chiffres, de jargon financier ou de modèles économiques incompréhensibles, que du contraire. Christophe Barratier (qui a déjà réalisé « Les choristes », « Faubourg 36 » ou encore « La nouvelle guerre des boutons »), nous immerge dans un univers a priori inaccessible et pourtant si fascinant. En particulier grâce à ses dialogues hyper bien écrits et savoureux. Les joutes verbales sont le reflet d’un quotidien oppressant mais tellement jouissif. Le rythme est dense et nous emporte dans un tourbillon économique qui détruit tout sur son passage, même le temps qui passe.
Pour que le résultat soit le plus proche possible de la réalité, les scénaristes (Christophe Barratier et Laurent Turner), se sont basés sur le livre écrit par Jérôme Kerviel himself « L’engrange : mémoires d’un trader » sorti en 2000. Avoir l’avoir rencontré, le réalisateur s’est lancé dans une adaptation à la fois proche de la réalité mais aussi très romancée. Le fond de l’intrigue est net, précis, documenté et le travail colossal d’écriture offre un résultat probant. Concernant la forme, Barratier n’a pas fait dans la demi-mesure et réalise un exercice de style époustouflant. Il parvient à nous emmener dans le « desk » de Kerviel à une vitesse grand V, nous entrouvre la porte de sa vie privée sans non plus trop s’y attarder. L’important étant de comprendre comment un jeune trader a pu transgresser les plafonds boursiers instaurés par sa hiérarchie, gagner des milliards pour en faire perdre tout autant. Mission réussie ! On ne se lasse pas une seule seconde !
Côté casting, « L’outsider » envoie du lourd. En tête de file, Arthur Dupont (la voix de Gus dans « Gus, petit oiseau grand voyage », Maxime dans « Nos 18 ans » de Frédéric Berthe) incarne un Jérôme Kerviel grandiose ! Son implication est considérable et le résultat criant de vérité : il EST Kerviel durant près de deux heures et nous bluffe de scène en scène. Face à lui, un François-Xavier Demaison comme on ne l’a jamais vu. Sans doute parce que son personnage (Fabien Keller) lui fait écho. Vous le savez sans doute, cet ancien trader a tout quitté suite aux attentats du 11 septembre 2001 pour s’adonner à ce qu’il rêvait de faire : la comédie. Ses années d’expérience ont véritablement nourri son travail de préparation au point d’en faire la seconde révélation du film. Autour du personnage principal, une multitude de visages connus, de rôles travaillés et en particulier ceux de Sören Prévost, de Sabrina Ouazani, Tewfik Jallab, du jeune Stéphane Bak (qui n’a que 19 ans !) ou encore du belge Thomas Coumans (que l’on a vu dans la série « A tort ou à raison »).
S’il donne l’impression de ne s’adresser qu’à un public d’initiés, « L’outsider » est en réalité un thriller prenant et magistralement réalisé qui mérité véritablement que l’on s’y intéresse le temps d’un instant.