On sait que ces grands magasins – grands par la taille – que sont les super- et hyper-marchés sont dirigés par des humanistes qui, pour mieux protéger leurs employés contre la tentation de s’adonner au vol ou à la fainéantise, chronomètrent leurs passages aux toilettes, leur interdisent les vestes avec poches ainsi que les téléphones mobiles, et veillent sur la santé de leurs clients en détruisant les aliments qu’ils vendent, lorsque la date limite de vente est dépassée mais qu’ils restent consommables (je parle des aliments, là). On pourrait certes leur suggérer d’en faire don à des associations charitables, mais non, les ventes proprement dites s’en ressentiraient, et mieux vaut arroser la marchandise avec de l’eau de Javel.
On se souvient aussi de ce père de famille, en Algérie, qui, le 9 septembre 2010, avait été arrêté au marché des Trois horloges, à Bab El Oued, pour avoir rempli son couffin de poisson, de tomates et de quelques pots de yaourt qu’évidemment il n’avait pas payés, et qui, pour ce crime abominable digne de Jean Valjean, avait été condamné à un an de prison ferme. Ou encore, de cette mère de famille, toujours à Alger, qui avait volé une petite chemise pour habiller son jeune fils, car elle n’avait pas d’argent (mais cette scélérate a obtenu le sursis, comme quoi les juges sont trop indulgents).
C’est sur cette base, et sur la rencontre avec une ancienne caissière qui avait été accusée de vol pour avoir récupéré un ticket de promotion abandonné par un client, que le réalisateur de “Discount� a construit l’idée du scénario, écrit par Samuel Doux pour en faire une comédie satirique, qui néanmoins vire au drame à la fin, puisque les employés, ayant récupéré les marchandises sciemment polluées par leur direction pour les rendre invendables, ont créé un magasin parallèle et clandestin, destiné aux plus pauvres de leur région, et leur permettant de mettre un peu de beurre dans leurs propres épinards. Naturellement, ils se font prendre à la fin, et seront remplacés, partout où c’est possible, par des caisses automatiques, qui ne déroberont rien ni ne se mettront en grève. Le progrès social est évident.
Le film, plutôt bien fait mais dont les scènes sont visiblement très peu écrites, possède un impact qui lui assure un public acquis d’avance. Et c’est tant mieux. À l’exception de Zabou Breitman, qui a un rôle secondaire, les acteurs viennent surtout de la télévision, et leurs noms sont en général inconnus.