Même si j'apprécie certains de ses films, je ne suis pas de ceux qui se pâment devant "le génie" de ce bon Tarantino, ni de ceux ou celles qui se trémoussent, les joues rosies de plaisir devant un tel talent.
Alors quand Quentin se décide de s'attaquer au western, je fronce un peu les sourcils. Et, même, dans un cauchemar, je tente d''imaginer comment le bonhomme va compiler un siècle de conquête de l'ouest au cinéma : va t-il oser les douilles de balles au ralenti venant heurter la caméra et répandant des trainées de poudre devant le visage en gros plan de la victime dont le crâne vient d'être traversé par une balle ?
Django ayant conquis la planète, Tarantino remet le couvert mais nous fait grâce du casting un peu lisse du précédent effort, et convoque de vraies gueules burinées par les vents chauds et le soleil de l'ouest, (Kurt Russel, Samuel Lee Jackson, Tim Roth, Jennifer Jason Leigh), des salopards aux yeux inquiétants mais si séduisants et que nous adorons détester.
Le film tourné en 70 mm est projeté sur un écran 2.35 ; tous les éléments sont réunis pour un assoupissement prolongé durant la projection, ce qui ne manquera pas d'arriver, mais j' y reviendrais ...
Pourtant, très rapidement, "The hateful eight" laisse sans voix. Et si nous étions devant le western ultime, le film référence de ces dernières années ?
Immersion totale dans cette immensité enneigée, silencieuse et pourtant inquiétante, l'ouverture est une promesse magnifique, la sensation d'assister à la naissance d'une très grande œuvre. La photographie est exceptionnelle, Quentin fait preuve d'une grande virtuosité, les personnages sont charismatiques et le ton décalé du réalisateur fait mouche, sans sombrer dans l'anecdotique ou le ridicule (la lettre de Lincoln ou la porte de l'auberge donnent lieu à des scènes savoureuses).
Bref, l'attente est délicieuse, la mise en place de l'histoire est traversée de fulgurances, de scènes épiques. Des thèmes assez peu traités dans l'histoire de western sont développés : la rudesse du climat, illustrée par ces puissants blizzards rendant entravant chaque pas humain, ou encore le conflit idéologique entre nordistes et sudistes qui subsistait à l'ouest bien après la guerre de sécession.
Mais parfois, les promesses restent des promesses, l'attente si délicieuse n'est jamais comblée et engendre déception et amertume. C'est ainsi qu'arrive le chapitre 4 : "Domergue got a secret" accompagné pour la première fois de son abominable voix off déclamant avec une platitude accablante : " About fifteen minutes have passed, since we last left our characters . " (15 minutes se sont écoulées depuis que nous avons quitté nos personnages).
A cet instant, débute une lente et looongue agonie. Celle des personnages qui vont s'entre-tuer dans d'interminables scènes de boucherie à peine interrompues par d'inutiles dialogues ( lorsque l' on meurt nous ne parlons pas autant ( enfin il me semble bien ! ).
Agonie du film également qui s'appauvrit jusqu'à en devenir ridicule, la narration se perd dans d'incompréhensibles flashbacks, alors même que Tarantino s'auto parodie dans des séquences vues et revues dans ses précédents opus.