Quentin Tarantino, pour son huitième long, nous concocte un habile jeu de massacre entre salopards du grand Ouest, une bande d’infréquentables et mystérieux, sinistres aussi, figures d’une époque barbare qui aura fait une part de la gloire du cinéma jadis. S’inspirant bien entendu du Western Spaghetti, Ennio Moricone et la pellicule à l’appui, aussi bien que de son propre répertoire, un verbiage outrancier et une violence incontrôlable, agrémentant son film d’un soupçon de The Thing, de John Carpenter, la présence de Kurt Russell n’étant peut-être pas fortuite, le cinéaste nous offre sa vision du huis-clos à la sauce cowboys et grand froid, jubilatoire en dépit de quelques petits dérapages non-contrôlés. Ces huit salopards, donc, est un pur produit indépendant, l’œuvre d’un réalisateur qui se moque de la normalité, du regard d’autrui et qui parvient, film après film, à conserver son cercle solide d’aficionados en appuyant sans cesse sur les touches sang, dialogues loufoques et immoralité.
Son deuxième Western, son précédent long-métrage en était un, lui-aussi, n’est ni une surprise ni une découverte, simplement un prolongement de cette univers ultra référencé qui façonne la carrière du metteur en scène. On ne peut pas prédire quel sera son prochain film, mais à chaque fois, dès les premiers instants, nous évoluons en territoire connu, sensation indéniable alors que démarre à peine le face-à-face entre Russel et Jackson en tout début de métrage. Nous autres, amateurs des frasques de Tarantino, sommes d’emblée comme à la maison face aux balbutiements de ce curieux Western, ce qui s’applique à l’entier des presque trois heures que dure la bobine. Dès l’arrivée des protagonistes initiaux dans cette fameuse auberge perdue dans les hautes plaines du Wyoming, la tension monte, les esprits s’échauffent, à la manière de son premier film et prodigieux Reservoir Dogs. Comme à la maison, je vous dis. Pour notre plus grand plaisir, ce plaisir d’assister à des échanges aussi improbables que passionnants entre illustres crapules sur le point de s’entretuer. Le verbe et le sang. Et quand vient le sang, le brave Quentin ne fait que peu de concession.
Tout ça, pour tous amateurs d’huis-clos, ça vaut déjà son pesant de cacahuètes. Ajoutons à cela la frénésie du réalisateur à faire de chacun de ses personnages un monstre de charisme, la bande sonore remarquable composée par une légende, une photographique au poil et un affranchissement franc du collier de toutes les règles hollywoodiennes terrassantes et nous voici face à un jubilatoire jeu de massacre immoral, délicieux moment de cinéma qui se construit de références et de liberté d’esprit. On aime le cinéma, du moins une partie d’entre nous, parce que les grands cinéastes lui ont bâti une véritable renommée d’art à part entière. Oui, chacun d’entre ces grands réalisateurs, dont Tarantino fait indéniablement partie, nous aura offert, une fois ou à maintes reprises, des œuvres qui se suffisent à elles-mêmes, qui pousse à voir le film pour ce qu’il est et nous pas du simple fait qu’il s’agisse simplement d’un film, tel un produit de consommation de masse. C’est sans doute pour cela que les amateurs de Quentin Tarantino l’apprécient tellement, ce qui tend à prouver son huitième film.
Pour conclure, saluons au passage les formidables interprétations des comédiens, des vieux roublards tels que Samuel L. Jackson, monstrueux, ou Kurt Russell, remarquable, au plus jeunes, Walton Goggins en tête. L’acteur, découvert dans la formidable série de Shawn Ryan, The Shield, explose enfin sur grand écran avec les huit salopards, et dire que c’est mérité est un doux euphémisme.
Bref, si vous voulez voir des personnages qui en valent la peine, des monstres mystérieux et sadiques, se confronter dans la pièce unique d’une pension perdue, alors que la tempête hivernale fait rage, ce film est fait pour vous. Si vous voulez contempler un film qui fait la part belle aux acteurs, aux artifices funs et décomplexé, qui rend à sa manière hommage à tout un pan du cinéma du 20ème siècle, n’hésitez pas. En revanche, si vous êtes furieux de devoir écouter des dialogues sans scènes d’action à répétition, si le sang vous dérange, si vous n’appréciez pas de voir des personnages aussi loufoques qui ceux de Quentin Tarantino, allez dont vous goinfrer de Marvel. Chaque chose à sa place. 18/20