Pour sa 8e réalisation (si on considère que le diptyque "Kill Bill" ne forme qu’un seul film), Quentin Tarantino s’offre un film clivant qui a énormément divisé au moment de sa sortie. Quintessence de l’univers du réalisateur pour certains, une longue purge trop bavarde et trop violente pour d’autres… Il faut reconnaitre que des avis aussi tranchés donnaient envie de découvrir le film, ne serait-ce que pour se faire sa propre opinion. Et, au final, de la même façon que je n’avais pas partagé l’adoration pour "Django Unchained", je ne partage pas le bashing contre "Les 8 salopards" qui m’est apparu comme un croisement intéressant entre "Reservoir Dogs" et Agatha Christie. On retrouve, effectivement, toute l’essence du cinéma de Tarantino, avec un goût décidément immodéré pour les belles images (les plans enneigés sont superbes tout comme le sens du détail des scènes en intérieur), les longues pages de dialogues qui semblent ne parler de rien mais qui finissent par atteindre leur objectif, l’inévitable répétition à outrance du mot "nègre" (comme toujours surexploitée), une galerie incroyable de personnages atypiques, une mise en scène chapitrée, une stylisation de la violence ou encore une BO formidable (signée Ennio Morricone qui a, enfin, eu le droit à son Oscar !). On retrouve, également, un casting incroyable qui réunit quelques habitués du réalisateur (l’époustouflant Samuel L. Jackson, l’épatant Kurt Russell, le trop rare Walter Goggins, le taiseux Michael Madsen ou encore Tim Roth en clone de Christoph Waltz…) ainsi que des petits nouveaux (la revenante Jennifer Jason Leigh, le caricatural Demian Bichir, le vieux Bruce Dern ou encore un Chaning Tatum assez incroyable). Certes, "Les 8 salopards" est parfois inégal sur le plan du rythme mais, non seulement, cela fait partie du charme des films de Tarantino et, surtout, le scénario est à ce point mystérieux dans ses tenants et ses aboutissants que le spectateur n’a de cesse de se demander où le réalisateur veut en venir. En effet, la première moitié du film (voire les deux premier tiers) posent énormément de questions, notamment sur la sincérité et les motivations de chacun de ces 8 salopards. L’ambiance du film (avec sa cabane lugubre et isolé, sa sorcière prisonnière et cette obscurité) est même telle qu’on a l’impression d’être dans une histoire de fantômes… ce qui est surprenant pour un western. Ce mélange des genres, ainsi que ce mystère ambiant, viennent, bien évidemment, nourrir l’intrigue… qui, il faut l’admettre, en avait bien besoin. Car il est vrai qu’on peut reprocher aux "8 salopards" de ne pas raconter grand-chose en définitive
(un chasseur de prime emmène une criminelle se faire pendre et rencontre de gens sur sa route)
mais, là encore, ce serait faire un mauvais procès au film qui s’inscrit, ainsi, dans la lignée des précédents longs-métrages de QT (qui est, avant tout, un conteur qui sait en faire des tonnes avec une histoire modeste) et qui, du reste, ne se montre pas avare en rebondissements inattendues et faux-semblants. Le film cumule un nombre twists scénaristiques assez surprenants,
de la mort de Ruth, pourtant personnage principal (si on en croit l’affiche en tout cas) à la moitié du film au récit glaçant du major Warren sur le sort qu’il a réservé au fils du Général Smithers en passant par la révélation de l’implication de chacun ou encore l’intervention de l’occupant de la cave
. A ce titre, le film effectue un véritable tour de force avec
son 4e chapitre sous forme de flash-back explicatif, qui est, tout simplement extraordinaire et vient relancer une intrigue qui menaçait de ronronner (juste avant la terrible conclusion du chapitre 3)
. Alors, quel est le problème avec "Les 8 salopards" et pourquoi a-t-il créé un tel malaise à sa sortie, y compris chez les fans de Tarantino ? Peut-être que l’explication se trouve dans le manque d’humour et/ou de recul qui aurait permis de désamorcer la tension du film… Certes, le film est sans doute le moins drôle de la filmo du réalisateur mais il me semble qu’il s’agit d’un parti-pris payant dans la mesure où l’ambiance est clairement plus noire que de coutume. J’ai, pour ma part, était un peu plus gêné par la complaisance avec laquelle Tarantino traite la violence sans que cela ne soit forcément indispensable
(les écoulements de sang sont parfois un peu trop omniprésents, la pendaison finale est trop premier degré…)
, ainsi que le racisme, qui est l’un des thèmes centraux du film. Certes, Tarantino n’a pas vocation à être un pédagogue se devant d’expliquer que le racisme, c’est mal… Mais, son insistance sur ce sujet et la façon dont il le traite commence à être un peu pesant dans sa filmo. Pour le reste, j’ai plutôt tendance à conseiller "Les 8 salopards", sorte de Cluedo horrifique que j’ai préféré à " Django Unchained".