Après Django Unchained, QT reste dans le western. Les Huit Salopards, ou The Hateful Eight, ou The 8ful 8 bref appelez-le comme vous voulez, est donc son huitième film, et après tous ces 8 on se demande s’il ne s’en amuse pas un petit peu.
Le film se passe deux ans après la guerre de Sécession. Un chasseur de primes du nom de John Ruth doit escorter une criminelle du nom de Daisy Domergue à Red Rock pour la faire pendre. Sur sa route enneigée, il va tomber sur deux inconnus perdus qui veulent eux aussi se rendre à Red Rock. Ces quatre personnages vont se voir obliger de s’arrêter dans une mercerie à cause d’un blizzard. Cette mercerie en question abrite d’autres inconnus, aux motivations des plus mystérieuses.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le film n’est pas la suite de Django, même si l’époque est assez proche de ce dernier et même si Samuel L. Jackson est toujours là, il ne campe pas le même personnage. Les Huit Salopards est à la fois un western mais aussi un huis-clos, à tendance horrifique par moments. Ce mélange des genres peut paraitre complexe dit comme ça mais Tarantino maitrise tellement bien son sujet et ses personnages que tout parait fluide. Son 8ème film est une nouvelle fois un petit bijou d’écriture et de scénographie, parvenant à créer une œuvre riche en rebondissements et en tension. Il reprend beaucoup de ses codes ainsi que des acteurs qu’il a déjà dirigés pour les emmener dans quelque chose d’un peu plus tendu. Mais il y a également un sentiment de familiarité avec le tout début de sa filmographie.
Au niveau du scénario, Tarantino pond une écriture très théâtrale, ce qui n’étonne pas vu qu’il hésitait à en faire une pièce de théâtre avant d’au final en faire un long-métrage. Beaucoup reprochent aux Huit Salopards d’avoir des longueurs. Mais si l’on regarde bien, chaque séquence sert le récit, ormi cette scène où Daisy Domergue joue de la guitare qui n’est pas utile. Le film se découpe en plusieurs chapitres, comme Inglourious Basterds, la différence c’est que pour ce dernier on était sur un découpage pour chaque personnage dans chaque lieu. Là c’est un huis-clos, donc moins d’espace, et un découpage des scènes plus classique et linéaire (jusqu’à une séquence flash-back vers la fin) où la tension entre les personnages coincés dans cette mercerie va grimper jusqu’à exploser, où certains vont y laisser leur peau.
Pour moi, le film est divisé en deux actes, le 1er présente les personnages, leurs caractéristiques, opinions, but etc. ; le 2ème est l’acheminement d’une tension qui aura définitivement pris son envol suite à une bascule sanglante entre ces deux actes qui chamboule le récit et qui tétanise le spectateur. C’est peut-être le premier acte qui divise le plus, n’étant rien de plus qu’une multitude de dialogues entre les personnages qui parlent de tout, comme de leur présence à tous lors de la guerre de Sécession. Mais ce sont justement ces dialogues qui distinguent leurs prises de position et qui vont alimenter la tension du récit, aidés par le fait que certains personnages se connaissent déjà et qui étaient même ennemis pendant cette guerre. Certes le rythme est plutôt lent, mais la patience de certains est vite récompensée.
Le film est bourré de références, que ce soit à The Thing de John Carpenter avec cette ambiance claustrophobe, la neige envahissante ou Kurt Russell en tête d’affiche ; ou même…à Reservoir Dogs. Car oui on retrouve des acteurs présents dans le 1er film de QT et la tension monte entre les personnages qui sont persuadés que l’un d’entre eux n’est pas ce qu’il prétend être. Tarantino concocte donc un scénario référencé mais il sait se renouveler et où emmener son histoire. Et cela peut paraitre assez drôle mais…on rigole devant ce film, à plusieurs reprises. L’humour noir, le sarcasme et même le 1er degré exagéré de certains personnages peuvent en effet provoquer le rire, je pense notamment à la révélation d’une blague du personnage de Warren ou à l’évanouissement brute d’un des salopards en fin de film.
Au niveau de la mise en scène, on peut penser que le huis-clos limite les possibilités de Tarantino. Mais comme bon nombre de réals ingénieux dans ce genre, il en fait très bon usage. Je parlais des différentes positions des personnages dans le scénario, ils sont tous bien représentés dans cette mercerie, il y a ceux qui restent dans leur coin, d’autres qui jouent aux échecs qui boivent du café etc etc. Ce n’est pas non plus intégralement un huis-clos, mais ce générique d’ouverture avec le Christ et surtout ces plans panoramiques des paysages enneigés désertiques montrent à quel point nos héros sont perdus au milieu de nulle part et qu’ils en sont limite prisonniers, cela se confirme avec l’arrivée du blizzard. Dans ses précédents films, Tarantino nous avait habitué à une violence certes non édulcorée mais jouissive à regarder et défouloir pour le plus grand plaisir du spectateur. Ici, l’environnement est beaucoup plus froid, la violence est plus impactante, et le gore nous fait réellement froid dans le dos, d’où ce sentiment que l’on a affaire à un film horrifique tant les scènes d’hémoglobine sont cathartiques aussi bien pour les personnages que pour nous. Cette fameuse bascule dont je parlais donne un souffle complètement inattendu au récit, tout cela provoqué par une musique qui monte en crescendo avec des notes graves, un montage millimétré pour nous faire monter en haleine et une explosion sanglante. Ceux qui ont vu le film savent de quelle scène je parle, qui est pour moi le point d’orgue du long-métrage et la vraie démonstration que le réalisateur sait se réinventer et qu’il sera toujours imprévisible.
Je tiens vraiment à souligner la violence car je pense honnêtement qu’il s’agit de son œuvre la plus violente et la plus gore qu’il nous ait livré. Chez Tarantino, on a déjà vu un œil arraché, une oreille découpée, des têtes scalpées, des coups de sabre et j’en passe, je pense que Les Huit Salopards est encore plus impactant aussi bien dans la violence physique que dans l’hémoglobine. Et ce ne sont pas les petits moments d’humour dont je parlais qui vont désamorcer les scènes très violentes.
Au niveau du casting, il n’y a pas grand-chose à dire ormi qu’ils ont tous déjà côtoyé Tarantino au moins une fois dans leur carrière. Kurt Russell, Samuel L. Jackson, Tim Roth, Michael Madsen et Walton Goggins sont tous géniaux. Pour l’anecdote Christoph Waltz était pressenti pour le rôle de John Ruth campé par Russell mais quand on voit la prestation de ce dernier, on ne le regrette pas. Jennifer Jason Leigh, est elle aussi excellente, je la découvre personnellement avec ce film et on sent qu’elle se donne à fond pour donner à son personnage l’air mesquin et sadique qu’elle doit imprimer. Ce qui lui vaudra une nomination à l’Oscar de la Meilleure Actrice dans un second rôle. On retient également une petite apparition de Channing Tatum qui n’est pas déplaisant.
Au final, Les Huit Salopards est un excellent 8ème film de la part de Tarantino. Un western plus violent et froid que d’habitude qui ne nous laisse pas indifférent grâce à une tension qui monte en crescendo et des scènes finales cathartiques. Le tout avec une musique d’Ennio Morricone oscarisée qui maintient la tension tout le long du film.