Le film vient d’une demande d’Arte auprès de plusieurs réalisateurs (Arnaud Desplechin, Valérie Donzelli), de filmer des pièces du répertoire avec les comédiens de la Comédie Française et avec le texte original de l’auteur. Vincent Macaigne a choisi « Dom Juan ou le festin de pierre » (1665) de Molière (1622-1673), en l’actualisant, faisant des coupes (sinon le film aurait duré 3 h au lieu de 118 mn) et en employant les comédiens de la version (2012) mise en scène par Jean-Pierre Vincent. Le début du film est prometteur : long travelling latéral, musique rock n’ roll, où deux hommes, Dom Juan (Loïc Corbery, 39 ans, 519e sociétaire) et Sganarelle (Serge Bagdassarian, 521e sociétaire) trainent le cadavre d’un évêque qu’ils enterrent. La scène suivante est une scène de sexe à laquelle assiste, parmi d’autres hommes revêtus uniquement d’un maillot, Dom Juan ; cela se gâte quand ils entonnent tous la Marseillaise… Le film devient vite pasolinien (dernière période) et on commence à avoir honte pour les comédiens humiliés. Le père de Dom Juan, militaire, est ridicule et chante lui aussi la Marseillaise au cours d'une scène ultérieure.
A la fin, Sganarelle empoisonne (par injection) Dom Juan dans les toilettes du Lutetia ; ce dernier meurt sur les marches de l’Opéra Garnier. Quant à Sganarelle, au volant de sa limousine, il est tué par arme à feu par un frère d’Elvire [fratrie qui déambule dans le film à cheval et la tête recouverte d’une cagoule blanche (moins haute que celle du Ku Klux Klan)].
L’outrance n’est pas synonyme, ni de talent, ni de résistance aux conventions, surtout quand la musique principale est celle de l’opéra de Mozart, « Don Giovanni » (K577 – 1787), finalement indépassable. La vraie subversion aurait de faire un film décalé, très rock n’ roll, en détournant les codes, à la façon d’"Orange mécanique" (1971) mais n’est pas Kubrick qui veut ! Le film a été présenté à la 68e édition du festival de Locarno (Suisse).. Pour mémoire, le thème a déjà été traité au cinéma : « Don Juan et Faust » (1922) de Marcel L’Herbier, « Don Juan » (1955) de John Berry (avec Fernandel dans le rôle de Sganarelle et qui prend la place de Don Juan), « Don Juan 73 » de Roger Vadim (avec comme postulat, « Et si Don Juan était une femme… »), sans oublier bien sûr « Don Giovanni » (1979) de Joseph Losey (d’après l’opéra de Mozart). Je ne suis pas sûr que le film soit sorti en salles et il a été diffusé sur Arte le 5 mai 2016 à… 22h50, ce qui est loin d’être une consécration. « Les Cahiers du Cinéma », dans le numéro (721) d’avril 2016 consacré aux excentriques, prend la défense de Vincent Macaigne, en le qualifiant, parmi d’autres, d’extravagant ! N’est pas Sacha Guitry ou Michel Simon qui veut !