"Caprice" est aussi le titre d'un roman inédit et léger de Marguerite Duras, ce qui ne constitue en rien un hasard. Car Emmanuel Mouret est, au-delà d'un cinéaste, un littérateur. Le film s'ouvre justement sur une séquence où un père, parisien, bobo évidemment, tente de faire renoncer à son fils le goût des livres. Or, les livres sont partout dans ce film, dans les bibliothèques, dans les studios, jusque dans les manuscrits brochés. Le film raconte tout un tas de livres, des classiques surtout. Il y a du Voltaire pour l'air faussement ingénu du propos, il y a du Marivaux pour les chassés-croisés amoureux et les mensonges, il y a du Proust pour les soirées mondaines et les faux-semblants, il y a même du Zola pour la lutte des classes, insidieuse, celle qui nous fait résister à nous-même, au vrai de nous-même.
Emmanuel Mouret sait filmer les sentiments. Léger mais jamais désinvolte, le film raconte l'histoire d'un instituteur, d'une grande gentillesse, qui tombe malgré lui amoureux d'une actrice à succès ; alors que cet amour est promu à beaucoup d'avenir, et surtout beaucoup de privilèges sociaux, une jeune actrice, Caprice, s'introduit dans sa vie, voire envahit sa vie, à la suite d'un malentendu, ou disons d'un trop-entendu d'une confidence d'amour glissée au bord du lit. Derrière cette histoire, il y a l'histoire de tous les couples : des impostures, des renoncements, des peurs, des compromis aussi.
Emmanuel Mouret est à Paris ce qu'Almodovar est à Madrid. Sa caméra magnifie Paris. On est au printemps et la capitale est fleurie, autant que les visages et les corps de ces femmes sont apprêtés et souriants. On pense encore à Proust et ses jeunes-filles en fleurs. Tout est beau. La musique doucement jazzy embellit la ville, soudain chargée d'une grande mélancolie. Mais heureusement, on est au cinéma, non au théâtre, dans ces espaces hors du monde où les directeurs d'école peuvent clamer du Shakespeare et surtout où les amours se font et se défont, au rythme de la vie.