D'abord appelé en VF "Le Gosse", puis "Le Kid", The Kid est souvent considéré comme le premier long-métrage de Chaplin. Si l'on veut pinailler, on dira que, selon les classifications actuelles, il s'agit d'un moyen-métrage (50 minutes), et que le premier vrai long-métrage du cinéaste est L'Opinion publique (1923). Mais passons. The Kid concrétise une tendance apparue dans le cinéma de Chaplin depuis The Immigrant, qui associe la comédie au mélodrame (un rire et une larme, comme il est écrit en prélude). Concernant ce dernier registre, le réalisateur y va franco. Certains critiques lui ont d'ailleurs reproché de verser dans le sentimentalisme (mais pas le public qui a plébiscité le film en salles). C'est vrai que The Kid n'est pas exempt de lourdeurs symboliques (notamment l'incroyable image du Christ insérée dans les premières minutes du récit), pas exempt non plus de facilités lacrymales (le célèbre plan sur le gosse en pleurs, les bras tendus vers son père adoptif...). Mais sur l'ensemble du film, il est quand même difficile de ne pas être attendri par le tandem père/fils formé par Charlie Chaplin et Jacky Coogan. C'est dans les scènes du quotidien que l'émotion et la complicité sont les plus belles. À la maison : le lever du lit, la préparation des repas... Et au boulot : l'enfant casse des vitres en jetant des pierres ; Charlot intervient aussitôt pour proposer ses services. La science comique, toujours aussi précise et réjouissante, s'inscrit dans un cadre de misère sociale qui n'est pas "pur décor" mais bénéficie d'une attention touchante via mille et un détails (les services de l'orphelinat, le dortoir pour adultes...). À ces accents de réalisme social répond une formidable scène onirique dont les voltiges ajoutent, par contraste, à la richesse stylistique de film. Tout le talent de Chaplin est donc de savoir jongler entre des styles et des registres dramatiques opposés, lui le parfait homme-orchestre de ce film (et de tous ses films), puisqu'il assume les rôles de producteur, de scénariste, de réalisateur, d'acteur, de monteur et même de compositeur de la BO.
Un dernier mot sur Jacky Coogan, le Kid du film. Il a poursuivi une carrière d'enfant-star au cinéma, organisée par ses parents qu'il attaquera plus tard en justice. La suite, ce sont des seconds rôles dans des films de seconde zone, avant de migrer vers les séries TV à partir des années 1950. Il est mort en 1984.