Le contexte historique de la sortie de ce film est merveilleux, puisque le cinéaste a préparé son film avant que la guerre n'éclate. Son message est puissant et osé, et pour ceci ça reste un monument du cinéma, l'un des films les plus importants de l'époque. Pourquoi ce film est si excellent à regarder aujourd'hui ? Tout simplement parce que depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les films et les documentaires sur le régime nazi n'ont pas cessé de naître. Même en 2010, les films sur le sujet continuent de voir le jour, toujours avec ce même ton mélodramatique super triste et noir. Au bout d'un moment ça devient presque lassant puisqu'on nous ressort assez souvent la même sauce. Même si le souvenir de l'Histoire est une chose d'importance capitale, je trouve que Le Dictateur fait du bien et sort du lot. Je crois que c'est la première fois que je vois une comédie sur le sujet, alors que le film est sorti en plein coeur des événements tragiques. Bref, pour ce qui est du film en lui-même, c'est mon deuxième Chaplin. Le premier étant Une vie de chien, c'est donc mon premier film non-muet du réalisateur. Je ne le connais pas assez pour comparer mais je ne trouve pas que l'apparition de la parole ait tué son cinéma, contrairement à ce que certains disent. L'humour et la gestuelle sont gardés intacts, et c'est surtout ça qui fait la patte de Charles Chaplin. Même si ici il n'est plus question de Charlot mais d'un barbier juif, la ressemblance est tellement frappante que ça pourrait tout aussi bien être lui. Les mêmes mimiques, les mêmes gestes comiques. J'adore principalement cette façon qu'il a de "freiner sur une jambe en sautillant" tout en remettant son chapeau en place (je pense que vous voyez de quoi je parle). C'est fabuleux et ça m'amuse à chaque fois. Sinon le film nous présente donc deux personnages qui se ressemblent énormément : ce barbier juif et le dictateur Hynkel. Chaplin fait preuve d'originalité en ne parlant jamais explicitement d'Hitler, l'Allemagne, la France, la croix gammée, tous remplacés par des symboles qui ne trompent pas. Cette façon d'ironiser et de ridiculiser la guerre est géniale. Hynkel représente bien évidemment Hitler et Charlie Chaplin s'amuse à introduire un petit barbier juif qui lui ressemble trait pour trait. Le film est donc divisé en deux parties qui s'alternent : celle du barbier, et celle d'Hynkel. J'ai largement préféré la partie sur le barbier car elle est réellement géniale, drôle et pleine de trouvailles magnifiques. Le film commence par la Grosse Bertha et cet obus défectueux qui tombe et se met à tourner. Je me suis mis à rire dès le début, le petit personnage du barbier étant franchement marrant. S'ensuit une scène magnifiquement mise en scène en terme d'effets spéciaux (oui !) lors de l'évasion dans l'avion. Deux personnages se retrouvent dans un avion la tête à l'envers et ne s'en rendent pas compte. C'est visuellement génial et l'idée est bien trouvée. Bref, et puis 20 ans plus tard, on retrouve notre barbier dans un hôpital, il est amnésique et n'a aucune idée de ce qui se trame contre les juifs à l'extérieur. Son histoire fourmille d'humour et de gags à la Chaplin très croustillants. Le personnage ne sachant pas à quel risque il s'expose en affrontant la police, il nous fait marrer (la réplique "Vous êtes aryen ? - Non, je suis végétarien" est un pur bijou). Avec en prime une sublime scène, lorsque notre personnage se retrouve sur un toit et observe sa boutique en train de brûler. C'est un passage assez triste et mélancolique au coeur d'un film clairement comique. C'est ingénieux. Et puis il y a la partie du film centrée sur le dictateur Adenoid Hynkel. Là aussi, beaucoup de gags marrants, comme le planning hyper chargé de Hynkel qui n'a pas une minute à lui (il consacre de temps à autres 10 secondes à son peintre et son sculpteur, très drôle !). Et puis il y a la présentation même du personnage, où Chaplin ridiculise Hitler, imitant sa façon de parler et faisant reculer les micros apeurés. Tout le génie du film se situe bien évidemment dans sa fin, criante de sincérité. Un revirement de ton qui donne toute la puissance émotionnelle du film par un simple discours. La ressemblance frappante entre les deux personnages va mener notre barbier juif à prononcer lui-même le discours du dictateur antisémite. Et là, on sort du film et des personnages car c'est Charlie Chaplin qui parle en personne, qui fait part de ses idées et lance un appel bouleversant au monde entier, avec force. C'est poignant, la musique est des plus sublimes lorsque Hannah relève la tête et regarde le ciel de ses yeux brillants. On se souvient alors du moment où la jeune femme dit au barbier "Regardez cette étoile, voilà une chose que Hynkel ne pourrait jamais détruire". Paulette Goddard est juste géniale et le réalisateur nous offre un final de qualité, très puissant. Un vértiable chef d'oeuvre.