La saga "Wolverine" sur grand écran pourra se targuer d’être assez inclassable. Après un premier opus très inégal (pour ne pas dire gentiment raté) et un second plus réussi mais trop sage, l’annonce de ce troisième épisode aux accents de fin de règne avait de quoi susciter une certaine curiosité… et ce d’autant plus que l’inspiration principale était, côté comics, "Old Man Logan" (de l’excellent Mark Millar) et, côté ciné, "Impitoyable" (de Clint Eastwood). Les intentions initiales étaient, donc, plus que louables… et la promesse d’un véritable renouveau du genre était des plus alléchantes (surtout au vu des bandes-annonces badass). Et, pendant le premier tiers de "Logan", j’y ai cru. Dès sa première apparition, Wolverine est présenté comme une épave en fin de vie, alcoolisé au dernier degré et contraint de s’y reprendre à plusieurs fois pour venir à bouts d’une petite poignée de "chicanos". Changement de registre radical donc, y compris au niveau de la violence qui sera particulièrement frontale, pour ne pas dire exagérément gore ici ! On comprend, peu à peu,
qu’il n’y a plus de mutants sur Terre (et encore moins de X-Men), que Logan est fatigué de vivre et qu’il garde un Professeur Xavier sénile (Patrick Stewart, étonnant) à l’abri d’un monde qu’il mettrait en danger, le tout dans une ambiance de western post-apocalyptique
. Difficile, une fois encore, de faire plus innovant. Le rythme est posé, le sens du détail force le respect et les amorces scénaristiques mettent l’eau à la bouche
(qu’est-il arrivé aux mutants ? pourquoi Wolverine est-il dans cet état ? de quoi protège-t-il Xavier ?)
. Et l’arrivée, dans l’équation de la jeune Laura devait, en principe être l’élément déclencheur qui viendrait enflammer l’intrigue et sublimer le film. Malheureusement, pour moi, ce fut le début de la désillusion… Pourtant, la jeune Dafne Keen, qui interprète Laura, est assez bluffante en machine à tuer de 11 ans et la "révélation" de ses pouvoirs au public reste un moment assez fun (bien que très éventé par les trailers). Le problème est que, à compter de ce moment, le film cesse d’intriguer et, pire encore, de surprendre pour, au contraire, de fourvoyer dans tous les poncifs scénaristiques les plus éculés qui soient.
Un arrêt des fugitifs pour se reposer ? Les mercenaires à leur poursuite débarquent dans la foulée, ce qui provoque un bain de sang ! Une gentille famille leur propose le gite et le couvert ? Vous pouvez être sûr qu’ils ne verront pas la fin du film ! Logan a une balle en adamantium sur lui ? Ça tombe quand même bien quand on a, comme boss final, un clone qui ne peut mourir que de cette façon !
Et ne parlons même pas du rôle ô combien opportuniste de Caliban (Steven Merchant),
qui, par un heureux hasard, peut localiser ses semblables, ce qui est tout même bien utile quand on traque trois mutants
. Et ce genre d’exemple se décline à foison… A croire que, dès qu’un film de super-héros essaie de se montrer innovant sur un plan (ici l’ambiance), les scénaristes n’arrivent plus à écrire une histoire originale. "Logan" est, donc, hyper-prévisible et ce défaut est grandement alourdi par son rythme invraisemblablement lent. Cette lenteur n’est, d’ailleurs, pas uniquement, dû à un montage peu énergique et à l’absence d’un thème musical fort (ou tout simplement d’une bonne BO) mais, également, à des séquences étirées au-delà du raisonnable (la première fuite en voiture donne le la de ce problème) et, chose plus rare, à une sur-explication quasi systématique de ce qu’on voit ou devine à l’écran (Logan est fatigué, merci, on a compris…). Je suis, d’ailleurs, très surpris que James Mangold ait accordé autant de place à Wolverine sans jamais le faire évoluer pendant 90% (voire plus) du film… et qu’il en sacrifie, parallèlement, un tas d’autres qui paraissaient, pourtant intéressants
(que s’est-il exactement passé à Wechester ? comment les X-Men sont devenus des personnages de comics ? quid de Transigen ?)
. Il sacrifie, ainsi, des personnages qui avaient du potentiel, à commencer par le bad guy Donal Pierce (Boyd Holbrook) et le Dr Rice (Richard E. Grant), qui, pourtant, en seulement quelques dialogues décalés, donne vraiment envie d’en savoir plus sur lui… mais qui est dégagé comme un malpropre sans crier gare ! Et ne parlons même pas
du baroud d’honneur final de ce brave Wolverine
qui, outre son caractère, là encore, ultra-prévisible, n’est absolument pas mis en valeur par le metteur en scène et s’achève de façon assez décevante à mon sens. Quand, en plus, il arrive après
un passage bien trop long avec les enfants qui fait penser à "Mad Max 3" (le moins bon de la série)
, ça fait beaucoup. Il est, d’ailleurs, clair pour moi que, si je n’ai pas été emballé par le film, c’est, avant tout, à cause de la mise en scène de James Mangold. Et je ne parle même pas
du personnage de X-24 (sans grand intérêt)
ou des effusions gores qui auraient dû être la valeur-ajoutée du film (en lien avec la violence du personnage dans les comics) et qui font, office de cache misère un peu racoleurs et, surtout, beaucoup trop surexploités. Heureusement, il reste plusieurs bonnes choses à sauver dans "Logan". L’interprétation de Hugh Jackman, tout d’abord, qui s’offre un adieu douloureux, même s’il est, forcément, très limité par le cahier des charges imposant qu’il traine sa jambe et tousse pendant la quasi-totalité du film. La découverte de la jeune Dafne Keen, ensuite, dont l’intensité de jeu devrait l’amener à faire reparler d’elle prochainement. Quelques saillies comiques (trop rares, même si le sujet ne se prêtait pas forcément à la rigolade),
comme le passage aux toilettes du Professeur Xavier,
aère un peu le récit. Et, surtout, un certain courage d’avoir osé être aussi jusqu’au-boutiste dans la logique de faire un film de super-héros qui ressemble à tout sauf à ça ! Bien que je n’y ai pas été sensible, la démarche mérite un coup de chapeau… et a, du reste, été salué par la grande majorité des critiques et du public qui l’ont encensé. A croire que je suis passé à côté du film…