Les comédies d'espionnage semblent connaître un retour en force depuis le début de l'année. Après le très étonnant Kingsman (Matthew Vaughn), c'est au tour de Nima Nourizadeh, réalisateur de Projet X, de nous offrir une vision farfelue, totalement « nerd » mais délectable, avec cette comédie romantique où l'action ressemble à un (bon) bad trip cinématographique. Vous l'aurez donc compris : spectateurs hermétiques à toute forme d'action « bête et méchante », ne partez pas tout de suite car, cette fois, nous vous offrons une mixture détonante de styles filmiques aussi variés que déroutants, permettant à American Ultra de convenir à toute personne qui cherche le plaisir du divertissement sans la politique, parfois trop clichée, du film de genre.
Mike Howell, jeune homme paumé et adepte des drogues douces, vit simplement et sans ambition au côté de l'amour de sa vie, Phoebe. Quelle n'est pas sa surprise lorsqu'un soir, alors qu'il se fait agresser par des tueurs surentraînés, il se découvre des facultés de combat insoupçonnées : il est temps, pour lui, de découvrir un passé qu'il avait oublié, plusieurs années auparavant. Si le synopsis ne nous présage rien de plus qu'une histoire d'espionnage classique, les petites mains au service de cette intrigue ordinaire le sont beaucoup moins.
Ainsi, American Ultra a l'avantage de fonctionner à partir d'un scénario qui, sans nous emporter par son originalité, utilise astucieusement les codes de nombreux genres dans un remarquable souci d'efficacité. L'oeuvre provoque simultanément rires, sursauts, émotion et parfois même peur et ne nous permet pas de nous ennuyer une minute. Nourizadeh choisit donc un casting assez étonnant : loin de l'homme séduisant en smoking soigné, un verre de dry martini à la main, c'est Jesse Eisenberg (The Social Network), à la coupe hasardeuse, vêtements « à l'arrache » et joint au bec, qui campe le rôle du super agent aux facultés combatives qui feraient frémir James Bond, lui-même. A l'occasion, le jeune acteur retrouve une ancienne partenaire coup de cœur, avec qui il avait partagé ses épreuves adulescentes dans Adventureland (Greg Mottola, 2008) : Kristen Stewart, tristement célèbre pour son rôle dans la saga Twilight, et force est de constater, qu'une fois encore, la magie opère et que ce couple aux expressions obsessionnelles et compulsives forme un parfait duo, à la fois drôle, romantique et terriblement touchant.
On regrettera, cependant, la tendance autodestructrice d'un réalisateur qui apprécie plus que tout les jeunesses chaotiques et manque, en ce sens, d'une certaine subtilité. Mais ce joyeux « bordel » trouve, finalement, un ordre à travers une bande originale dynamique et bien utilisée, transformant l'action en clips musicaux chamarrés d'onirisme tendant, bien évidemment, vers le pur psychédélisme. Max Landis, jeune scénariste et fils du célèbre John du même nom, nous emmène au rythme des scènes chorégraphiées, vers un hommage aux vieux films de monstres et épopées « King Kongiennes » où la bête, véritable machine à tuer, semble prête à tout pour qu'on lui rende ce qui lui appartient de droit, l'amour de sa vie.
Finalement, American Ultra tient les promesses du film d'espionnage typique en lui enlevant les longues explications ennuyeuses sur les origines de la théorie d'un complot qui n'a que peu d'importance. Le spectateur peut apprécier une comédie savoureuse qui refuse, à tout instant, de tomber dans les facilités caricaturales d'une parodie de genre. L'oeuvre n'est qu'un grand hommage aux amours d'un jeune réalisateur qui, encore à ses débuts incertains, a le mérite d'avoir trouvé une empreinte propre et une capacité à divertir son public ado-adulte.