Que vaut réellement la libéralisation face à une grande bouffée d’air frais et une vue imprenable sur un ciel coloré ? Le postulat, confrontant l’urbain à la nature même, n’a rien de nouveau mais suggère plus de réconfort qu’on ne l’imagine. Après « That Sinking Feeling », puis son remarqué « Une Fille pour Gregory », Bill Forsyth revient déjouer quelques codes, dont cette collision entre le météore de la mondialisation et les fossiles d’une contrée isolée et hors du temps. Il en impose dans une narration qui prend le temps d’admirer paysages et paysans le long d’une plage qui en fait rêver plus d’un. D’un côté, une multinationale ambitionne toujours l’exclusivité des ressources, humaines et matérielles. De l’autre, un certain engouement, plus simple et plus sincère, octroie l’opportunité aux locaux de s’envoler pour de bon.
Il est question de définir l’avenir de Ferness à travers l’évasion miraculeuse et subtile de l’employé MacIntyre (Peter Riegert), réquisitionné par ce que son nom symbolise. On nous définit ainsi le portrait succinct du système industriel américain des années 80, qui laisse peu de place aux émotions, malgré une richesse et une réussite qui ne sont qu’artificielles. Ce voyage de négociations révèle alors la naïveté d’un homme qui s’égarera peu à peu dans ce qu’il devra détruire. La clé de voute se trouve pourtant dans ces petits moments qu’il savoure, entre les promenades sous le vent, les ramassages de coquillages comme totem ou encore une belle cuite, déliant à la fois sa langue et ses pensées les plus sincères. Mais il ne s’agirait que de résumer ce qui doit, au préalable, être vécu. La mise en scène contemplative met en évidence un décalage entre une conquête qui ne trouve ni résistance, ni obstacles, si ce n’est le verdict de la transaction. Il est libre de choisir de mener une vie qui tranche avec la spontanéité et l’exigence de son précédent environnement.
Ne négligeons donc pas l’âme de la passion incarnée, à savoir Happer (Burt Lancaster), le patron excentrique de Knox Oil and Gas. Il en est au point de vouloir abattre son thérapeute, démontrant ainsi que son enthousiasme n’a d’égale que sa détermination. Et sa radicalisation laisse songeur, surtout qu’il est à même de pouvoir s’approprier l’image d’un village au bord de l’effondrement. Les avions de chasse défilent au-dessus de vies insignifiantes, mais qui promettent la cohésion tant attendue par MacIntyre et son collègue Oldsen (Peter Capaldi), qui scrute les mythes de l’océan. Mais le premier s’absout ainsi de la solitude qui l’apprivoisait en Amérique. Sa rencontre avec un lapin justifie la première étape de sa reconstruction, en tant que simple observateur et serviteur d’un havre de paix. Il finit par s’intégrer au rythme de villageois, pourtant désireux de reprendre leur vie en main, en s’abreuvant d’ailleurs du fantasme urbain. L’ironie permet de belles insertions humoristiques, qui ne tirent jamais vers l’excès. Elles s’emparent, au contraire, du charme qui orne chaque découverte comme s’il fallait y faire trempette une dernière fois, avant de voir la mutation de notre monde matérialiste atteindre sa maturité.
Le réalisateur écossais nous raconte, avec le plus grand zèle, un fantasme presque mystique, la main sur le cœur et la tête dans les étoiles. « Local Hero » a su rapprocher tous les personnages de ses objectifs, sans qu’on puisse s’en satisfaire pour autant. Les nuances viennent souvent à la rencontre de cette fable écologiste, mêlant discours solennels et déviations religieuses. On en vient finalement à troquer une montre contre un souffle d’amour et de liberté. Les faiblesses de chacun s’effacent pour ne laisser qu’un souvenir intime avec l’ermite de la plage ou encore la sirène du récif. Qu’importe l’issue, tout le monde trouvera son compte, avec une justesse dont on ne devrait pas noyer dans la mélancolie.