"La tête haute" est un film qui scrute les regards. D'ailleurs, le long-métrage s'ouvre sur les yeux écarquillés d'un enfant, Malony, qui assiste avec désarroi et impuissance, au rejet de sa mère et à son abandon dans les mains de la protection de l'enfance. Ces échanges de regards introduisent tous les autres qui vont suivre : ceux de la colère, de l'amour, du désarroi, de la perte, du rire, du sanglot, et surtout de l'impossibilité à communiquer et à faire face à la vie. Car ce film se veut être un formidable plaidoyer de l'ordonnance de 1945, qui privilégie les mesures d'éducation à la condamnation pénale de l'enfance délinquante. Il affirme haut et fort que la persistance du lien, la confiance et l'identification en un adulte stable et permanent sont les seules clés pour permettre à un adolescent en dérive de sauver sa vie.
La réalisatrice s'intéresse à l'adolescence avec affection et ténacité. On pense évidemment à sa prestation dans le magnifique "Polisse" de Maïwenn ; pour autant, là où "Polisse" regardait l'enfance à partir de l'organisation policière et des policiers eux-mêmes, fragiles et faillibles, "la tête haute" envisage l'enfance du seul point de vue du parcours institutionnel de Malony. On ne sait rien de la magistrate en dehors du tribunal, on apprend un peu de choses de l'éducateur qui suit le jeune-homme, et le peu qu'on apprenne est toujours au seul service du parcours judiciaire et éducatif du garçon. Il y a une belle énergie chez ce bout de gamin, capable de violences, de joie, et d'intelligence. Sa prestation d'acteur est si authentique, si forte, que le film prend alors le risque du docu-fiction. Des invraisemblances peuvent apparaître, des manques de précision aussi, mais le jeu des acteurs surpasse largement les imprécisions socio-judiciaires. On n'est pas là pour cela d'ailleurs. Il s'agit d'un véritable film de cinéma, en aucun cas d'un documentaire, un vrai film de cinéma où la musique de Schubert illumine les chansons de rap. Et ce vœux de cinéma atteint son état de grâce dans la performance exceptionnelle de C. Deneuve. Cette actrice, si importante, est capable de tous les rôles, avec un dévouement et une aisance remarquables. Elle irradie le film du gestes de ses yeux, des mains qu'elle tend à l'adolescent, et du timbre engagé de la voix. B. Magimel, dont le visage est dévasté, s'immisce auprès d'elle, comme le jeune héros se donne totalement à l'amour de cet homme, avec la pudeur et la simplicité que lui confère son rôle. "La tête haute" est rempli de têtes à claques et de têtes brûlées, toutefois, l'humour, la légèreté parfois du propos, rappellent à l'enfance de ces gamins, à l'éternité de toutes les enfances.