Le Festival de Cannes qui se fait bousculer par des films chocs, on dirait que ça devient une habitude. On pense notamment à "Polisse" et à "Irréversible" pour ne citer que des films français. Cependant je pense que "La tête haute" aurait pu être un film plus tonitruant encore par son côté choc s’il avait été un peu plus crédible. En effet, je doute que le système judiciaire, pourtant considéré par la majeure partie de l’opinion publique comme n’étant pas suffisamment sévère (ouvrant lieu à un débat du sempiternel manque de place dans les établissements et de leur confort), donne autant de chances et de boucles de rattrapage à ce genre de délinquant, aussi jeune soit-il. Un éternel recommencement qui va durer tout au long des frasques de Malony, récupéré par les services sociaux dès l’âge de 6 ans. Après, bien sûr que Rod Paradot est impeccable ! Et heureusement ! Parce que finalement, il a la lourde tâche de porter le film sur les épaules malgré la présence au casting de Catherine Deneuve et Benoît Magimel. Certes il a dû recevoir de précieux conseils de ces deux stars qui l’ont étroitement encadré, mais très certainement également de la part de la réalisatrice. Résultat final : il est difficile de croire que c’est là son tout premier rôle au cinéma tant il est parfait. Il a su faire changer l’expression de son regard du tout au tout, et ce à plusieurs reprises. Il est clair qu’on y voit le plus souvent de la haine, de la colère. Mais on y voit aussi de la gentillesse, et même de la douceur. Dans tous les cas, il représente à merveille la grande souffrance dans laquelle est plongé son personnage. Aussi je crois qu’on peut dire qu’il possède déjà un jeu très complet, et s’impose pour le coup comme un grand espoir du cinéma français, justement récompensé par le jury de la 41ème édition des Césars (2016). L’autre comédien le plus marquant est en fait une comédienne, en la personne de Sara Forestier, dans la peau d’une mère dont le portrait a été dressé selon les traits clichés d’un cas social caractérisé par une grande immaturité : Séverine n’a pas la psychologie d’un adulte digne de ce nom et de ce fait n’est pas prête pour être une mère en dépit des liens qui la lie à son fils aîné. "La tête haute" gravite donc bel et bien autour du parcours chaotique (c’est un euphémisme) de Malony, encadré tant bien que mal par la juge (Catherine Deneuve) et Yann l’éducateur (Benoît Magimel) mais quelque peu perturbé par sa mère. Pourtant, j’ai la mauvaise sensation que le rôle de l’éducateur a été sous-exploité. Et en cela, j’ai du mal à comprendre le César du meilleur second rôle pour Magimel. Certes il joue bien le coup, tant et si bien qu’on le sent rongé par on ne sait quoi, mais dont la réponse va nous être donnée (et heureusement car ça argumente son jeu). Certes il a quelques moments d’intimité avec Malony, mais ils sont finalement assez rares. Cette sous-exploitation, on pourrait l’attribuer aussi en parallèle à la romance. D’accord elle s’en trouve quelque peu contrariée, mais elle aurait selon moi mérité d’être mis davantage en évidence, d’être plus développée, bien évidemment avec les problèmes qui vont de pair avec le sujet. Ah ben tiens, le sujet, parlons-en justement. "La tête haute" serait-il un film engagé ? Ma foi, je n’irai pas dire jusque-là. Je n’ai pas ressenti une condamnation quelconque, que ce soit envers le système judiciaire et ses infrastructures, les éducateurs, les parents, ou même ces jeunes en manque total de repères. Mais plutôt une constatation. Pardon je corrige : une amère constatation. Une amère constatation sur un sujet malheureusement d’actualité, sur lequel Emmanuelle Bercot démontre qu’il y a encore beaucoup à faire, soulignant toute la difficulté à œuvrer en la matière au vu de la spécificité de chacun, tout simplement parce que chaque cas est unique. La portée dramatique est bien réelle par la rudesse du récit et l’énergie mise dedans, mais ce film aurait gagné en puissance émotionnelle si, comme je l’ai dit plus haut, il avait été plus crédible, et si davantage de moments partagés entre Malony et son éducateur avaient été mis en scène. Mais sur ce dernier point, ça n’engage que moi. A noter toutefois un final inattendu, en tout cas inespéré, en lieu et place d’un nouvel épisode dramatique, privant ainsi le spectateur d’un uppercut final qui aurait encore plus marqué les esprits et qui aurait du même coup invité le public à une véritable prise de conscience. Les résultats au box-office français parlent pour mon point de vue, la fréquentation étant en baisse dès sa première semaine pour dépasser péniblement les 640 000 entrées. Mais en y réfléchissant de plus près, on a là une façon de démontrer toute la pertinence de ce type de prises en charge, et qu’il y a encore beaucoup à faire en la matière.