Voilà un film absolument charmant pour commencer 2019. Robert Zemeckis, dont le gout pour l’innovation technique n’est plus à prouver, propose cette fois-ci un film mêlant le cinéma conventionnel avec l’animation, sous forme de poupées très expressives. Il livre un film techniquement très réussi, mêlant les univers, les faisant se chevaucher même parfois. Toutes les séquences animées sont assez bluffantes, les figurines sont très expressives et parviennent, par moment, à faire transparaitre des émotions. C’est le talent des acteurs et des actrices qui, probablement en « motion capture », permet ce petit exploit technique. La musique est agréable et même parfois très sympathique, sans être envahissante. Zemeckis nous offre un clin d’œil appuyé à son plus grand succès « Retour vers le futur », sous la forme d’une voiture miniature aménagée en engin spacio-temporal. Même s’il dure presque 2 heures le film ne souffre pas de scènes en trop, de scènes trop longues, trop bavardes ou de scènes un peu trop pathos. Je craignais un petit peu cet écueil et Zemeckis parvient à l’éviter, en ne montrant que très peu de choses (mais suffisamment) de l’agression de Mark, en ne le montrant finalement moins comme une victime que comme un acteur de sa propre guérison. C’est un film tout public qui passe tout seul, très maîtrisé et très bien produit comme les américains savent redoutablement le faire. Au casting, Steve Carell s’avère très touchant, sans être pathétique, dans le rôle d’un homme brisé qui cherche à se reconstruire à sa manière, seul avec ses poupées et son appareil photo. Il y a beaucoup de retenue dans son jeu, et même une certaine dignité qui le rend touchant. Les femmes qui l’entourent sont rarement filmées autrement que sous forme de poupées, il n’est donc pas forcément facile de juger leur performance. On va excepter Merritt Wever, adorable en vendeuse de jouet (un peu amoureuse de Mark qui s’obstine à l’esquiver) et Leslie Mann en jolie voisine rousse. Cette dernière est moins convaincante, je l’avoue, dans un rôle un peu sans saveur, un peu artificiel, un peu décalé : c’est le seule qui ressemble à une poupée dans la vraie vie !
C’est peut-être pour cela que Mark tombe amoureux d’elle d’emblée !
En racontant l’histoire (vraie) d’un homme brisé qui choisi de se reconstruire au travers d’un monde imaginaire, Zemeckis nous offre un film qui va au-delà de la performance technique pure. Le personnage de Mark a choisi sa propre thérapie, et personne autour de lui ne cherche à la remettre en cause ou a s’en moquer, même gentiment. Ni son avocat, ni les femmes qui l’entourent et le soutiennent, ni sa nouvelle voisine, ni un psychiatre quelconque ne le dévient de la voie qu’il a choisi. Il y a quelque chose de très touchant dans cette ouverture d’esprit, je trouve. Cet homme joue à la poupée pour retrouver confiance en lui, pour exorciser ses peurs, sa souffrance physique et psychique et personne ne vient lui faire la morale, je ne sais pas si c’est crédible mais moi ça me plait, comme point de départ. Après, il n’y a pas beaucoup de subtilité dans le schéma qu’il a choisi : il a été attaqué par des néo-nazis, il replace ses poupées pendant la guerre et leur fait combattre des poupées nazis (que visiblement on peut acheter librement aux USA, chose absolument, et heureusement, impensable ici !). Il a été sauvé par une serveuse dans la rue, il fait des poupées féminines des amazones qui le sauvent. Et la poupée « sorcière » qui le hante (et qui a la voix de Diane Krugger !), qui fait renaître invariablement à la vie les ennemis, qui empêche la guérison et le contact normal avec autrui, on comprend vite ce quelle représente. On ne va pas se mentir, du point de vue de la subtilité du message on repassera, tout cela est fait pour être très intelligible, très clair et simple. Du coup, cela parait un tout petit peu simpliste. Mais ce n’est pas très important au final, parce que le message de « Bienvenue à Marwen » est certes tout simple mais il n’en est pas moins essentiel : pour guérir d’un traumatisme, il n’y a pas de voie obligée, il y a autant de méthodes que d’individus, le plus important est qu’au final, la méthode fonctionne. Le jugement des autres est sans valeur si ce qui nous fait du bien leur parait bizarre, ou incongru, ou même inquiétant. Finalement, c’est une sorte de droit à la différence que le film de Robert Zemeckis propose : le droit d’aimer les talons aiguilles quand on est un homme sans pour autant mériter d’être tué pour cela, le droit de jouer avec des poupées sans pour autant être méprisé ou moqué pour cela. Comme je l’ai dit : un message simple, mais un message essentiel.