Un film lancinant, hypnotique. La guerre en mode repeat.
Andrew Niccol, le réalisateur, choisit un sujet puissant et très actuel : l'utilisation quasi-exclusive de drones dans les guerres américaines contre les pays du Moyen-Orient.
"Propres", à la "précision chirurgicale", sans danger pour les pilotes et, dixit le Pentagone, plus efficaces pour éviter les pertes humaines américaines. Un engin de guerre parfait, alors ? Ah mais rien n'est jamais si simple ma brave dame...
Nous n'irons pas juger ici de l'ignominie de tuer à distance ses ennemis sans se "salir les mains", caché.
Nous n'irons pas écrire ici que la lâcheté engendre de mauvaises conséquences, on ne prétendra pas que ces attaques par drones ne sont peut-être pas si légales que ça en regard de la loi internationale. Et quand l'injustice et l'impuissance alimentent l'usine à terroristes, on peut juste poser la question de la légitimité de cette arme. À un moment qu'est ce qui différencie ces méthodes des attentats perpétrés dans le monde par ces terroristes contre lesquels les américains prétendent lutter ? Et surtout - et on finira avec ça - qu'est ce qui empêchera un jour ces mêmes terroristes d'utiliser des drones mortels à leur tour ?
Je vous rassure, ce webzine n'est pas devenu une tribune politique, toutes ces questions sont celles posées dans le film et par les protagonistes. Chacun s'en fera sa propre opinion. Un film qui amène à réfléchir est toujours un bon film. Avec ses qualités et ses défauts.
Foin de la politique et intéressons-nous au film.
Andrew Niccol frappe fort et installe une ambiance faite de traumatismes, de remords, de regrets.
Sa caméra est à la fois contemplative et incisive. Le dosage est subtil.
Il détaille la remise en cause de la bonne vieille guerre traditionnelle à l'américaine, remplacée par une guerre technologique satellisée, robotisée, mécanisée. Une mort venue du ciel qui frappe de ses missiles sans épargner les innocents. Une arme qui n'a ni bras ni yeux ni états d'âmes. Mais ça se complique quand ce sont des humains qui appuient sur le bouton.
L'action est lente, répétitive, roborative quand Niccol nous dépeint les journées de "travail" de ces employés de bureau à l'activité mortelle pratiquant une sorte de taylorisme de la mise à mort. Les horaires de bureau paraissent, dès lors, interminables, sans fin, parfois sans raison, sans but concret...
La réalisation est parfaite, avec une caméra qui filme la majeure partie de l'action en vue du dessus.
Vue qui nous montre les similitudes architecturales entre les banlieues américaines, les habitations talibanes et les baraquements des militaires. Baraquements qui rendraient dépressifs la plus enthousiaste des âmes de par leur confinement et la nature de ce "travail".
La caméra ne revenant qu'à taille d'homme lorsqu'il s'agit de dépeindre les atermoiements humains. Les doutes, les querelles, les colères, les larmes...
Dommage qu'Andrew Niccol reste en surface et ne creuse pas plus son sujet. Il y avait tant à dire. Mais le peu qu'il en dit est d'une force féroce.
Ethan Hawke est magistral dans son rôle de militaire de l'armée de l'air, ancien pilote de F16 et à présent conducteur de drones désabusé.
Il distille son amertume, noie ses frustrations et ses remords dans l'alcool, affiche une froideur et peine à enrayer la déliquescence de son couple.
Et amène à se poser la question : mais que ferions-nous à sa place ?
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