Andrew Niccol est de ces réalisateurs qui naviguent perpétuellement entre l’optimal et le minimal. Dans la première catégorie, citons notamment Bienvenue à Gattaca ou encore Lord of War, et dans la seconde les âmes vagabondes ou Time Out. Quoiqu’il en soit, en dépit des défaillances dont fait parfois preuve le cinéaste, il est indiscutable que le bonhomme sait choisir avec minutie ses sujets, comme c’est le cas pour ce Good Kill, d’où une certaine impression de gâchis. S’associant, comme sur ses deux plus grands succès, avec son comédien fétiche, Ethan Hawke, Niccol tente de piquée à l’aiguille le postérieur d’une Amérique de plus en plus indifférente face à la guerre menée en Orient face au terrorisme, du moins indifférente aux moyens déployés pour que le gouvernement parvienne à ses fins. Cette guerre, incessamment évolutive, marque la naissance de l’utilisation massive de drones de combat, aéronefs sans pilotes, tueurs silencieux et invisibles manipulés depuis l’autre bout de monde par des individus qui doivent composer entre les critiques de lâcheté et le remords de toutes ces morts d’un simple clic sur un joystick.
Andrew Niccol, conscient des enjeux moraux d’une telle guerre, menée depuis son domicile par des soldats qui peinent à se définir comme tel, illustre son propos en suivant de très près un commandant de l’US Air Force, pilote scotché à terre par sa hiérarchie et frocé d’accomplir sa mission dans un container, aux commandes d’un drone survolant des pays dans lesquels il ne se trouve pas. Chaque soir, le brave pilote rentre chez lui, dans la banlieue de Las Vegas, se disputant avec sa femme, prenant en charge ses enfants, toujours avec la pensée du nombre des tués dont il est responsable ce même jour. Intéressant. Oui, mais le cinéaste semble avoir pris le parti d’illustrer cette drôle de guerre en se concentrant sur la psyché d’un seul personnage, un pilote qui souffre surtout de ne plus pouvoir voler, qui souffre d’un manque d’adrénaline et qui perd peu à peu pied, en s’éloignant toujours d’avantage de sa famille. Dès lors, l’effort pour amener un sujet captivant sur le tapis est mis à mal par l’aspect mélodramatique du film. Pour conclure son film, Andrew Niccol ira même jusqu’à bafouer toute sa construction narrative, erreur immanquable pour tout cinéphile un tant soit peu exigeant.
Bref, si tout débute formidablement, l’aspect didactique de la première partie du film s’avère salvatrice pour captiver les non-initiés, la suite vire tout gentiment au mélodrame individuel, une crise de conscience assez peu sensible qui se termine sur un coup de tête que l’on pressentait venir depuis belle lurette. En gros, Andrew Niccol n’a pas su donner le bon ton à son film, un film qui plus est par moment ennuyeux tant le rythme ne décolle jamais. D’un massacre aérien et impersonnel à un autre, le commandant Egan s’engueule avec madame, fait griller des steaks, se balade en ville et son personnage n’évolue jamais, jusqu’à la très logique annonce de séparation. L’homme souffre, oui, mais le public souffre de la facilité avec laquelle le film se conclut.
La guerre est sale, tout le monde le sait et Andrew Niccol ne nous apprend strictement rien si ce n’est qu’il effleure la problématique des drones, l’impact d’une guerre menée à distance par des gamins ou anciens combattants à qui l’on demande de jouer au plus meurtrier des jeux vidéo. A ce titre, l’évocation de la Xbox ou de la Playstation par le colonel de la base n’est pas anodine. Voilà qui contentera quelques curieux mais certainement pas les plus exigeants des cinéphiles, adeptes de l’approfondissement des sujets proposés, exercice dont le réalisateur s’est ici éviter, par manque d’envie, de temps ou de moyens. 07/20