Loin des gros blockbusters et films d’action du moment, on trouve, dans quelques salles du pays, de jolies pépites comme « Brooklyn ». Charmant, intelligent, beau et touchant, le dernier film de John Crowlay, excessivement bien réalisé soulève les cœurs et nous offre un vrai moment cinématographique comme on les aime.
« Hardi les gars, vire au guindeau»… Embarquez dans l’histoire d’Eilis et prenez le large pour suivre la renaissance de cette jeune Irlandaise en quête d’une vie meilleure. Loin d’être évidente, la conquête d’un monde nouveau est remplie de désillusion, d’obstacles et de regrets. Eilis Lacey est d’ailleurs bien peu préparée lorsqu’elle débarque à New York et s’installe à Brooklyn. Si la communauté irlandaise y est bien présente, le mal du pays la ronge et il lui faudra du temps avant de trouver sa place dans cette ville cosmopolite où migrants de tous horizons se côtoient après une journée de labeur. Mais la chenille (ouvrière) se transformera en papillon et verra la vie sous un angle nouveau lorsqu’elle rencontrera l’amour en la personne de Tony, un Italien attentionné qui rêve de l’épouser. Mais la vie est-elle si simple ? Pas vraiment et leur amour sera mis à rude épreuve lorsqu’Eilis part retrouver ses racines durant quelques semaines. C’est là que le pitch du film prend tout son sens : « two countries, two loves, on heart ». Bien loin d’être une mièvrerie, « Brooklyn » est avant tout une belle leçon de vie et une très jolie histoire de Femme.
Le réalisateur irlandais John Crowlay (qui a notamment réalisé « Intermission » en 2003) a jeté son dévolu sur une comédienne.. irlandaise pour incarner son héroïne ! Et quoi de plus logique quand on sait qu’Eilis est une migrante dublinoise fraîchement débarquée à New York. Pour se faire, c’est à Saoirse Ronan qu’il a confié ce rôle délicat.
Saoirse Ronan (dont le prénom signifie liberté en gaëlique) est époustouflante. Du haut de ses 21 ans, la jeune comédienne aux frêles épaules prend son rôle à bras le corps et nous offre une prestation sublime d’une immigrée en quête d’identité. Que ce soit dans le très marquant « Lovely bones », dans « Byzantium », ou encore dans « Lost River », ses rôles étaient tous très différents mais ici, c’est sans doute celui qui lui va le mieux : plus personnel, plus profond, plus authentique, son personnage est taillé sur mesure pour l’irlandaise au visage pâle. Car c’est certain, elle possède toute la palette d’émotions nécessaires pour incarner son personnage et fait preuve d’une maturité incroyable. Et cette maturité, son personnage l’acquiert tout au long de l’histoire, se marquant par une métamorphose physique visible faisant d’elle une dame distinguée, une femme que la réussite a transformée.
Il faut dire aussi, qu’il n’y a pas de hasard car Saoirse a de nombreux communs avec son héroïne : née à New York dans une famille irlandaise, elle connaît très bien Enniscorthy (où se déroule une partie de l’action) puisqu’elle se rendait au cinéma du village lorsqu’elle était ado. En effet, l’actrice a passé sa jeunesse dans la banlieue de Dublin et a cotoyé de près les lieux décrits dans le roman de Colm Tóibín dont le scénario s’est inspiré.
On l’a dit, Eilis va réaliser de nombreuses rencontres, évoluer et croiser la route de deux hommes qu’elle pourra aimer. C’est le cas de Tony, un migrant italien vivant à Brooklyn, pour lequel elle portera un amour sincère et pragmatique. C’est le jeune acteur américiain Emory Cohen (que certains ont peut-être aperçu dans « The place beyond the pines » ou dans « The gambler ») qui tient ce rôle et on ne peut qu’admettre qu’il l’interprète bien. Touchant, doux, compréhensif, il sera à la fois l’épaule et l’élan dont Eilis avaient besoin.
Mais à peine la jeune femme épanouie est-elle épanouie que son passé la rattrape et qu’elle doit revenir sur les terres qu’elle a quittées quelques mois plus tôt. Là, elle retrouvera ses souvenirs, ses amis, ses repères et Jim ! Domhnall Gleeson (encore lui ? Il faut dire que 2015 était son année : « Star Wars VII », « The Revenant », « Ex Machina »), se voit rajeunit de quelques années et campe un riche héritier, amoureux transi de la douce Eilis. Irlandais lui aussi, le comédien fera chavirer le cœur de la belle qui mettra tout en œuvre pour ne pas succomber complètement à son charme et au confort qu’il pourrait lui apporter. Le trio amoureux est mis en place et on se cramponne à notre accoudoir dans l’espoir de la femme réaliser le meilleur choix.
Puisque nous évoquons Domhnall Gleeson et ses origines, c’est aussi l’occasion de souligner le travail qui a été réalisé sur le langage utilisé. En effet, Saoirse et Domhnall opte pour un accent irlandais plus vrai que nature et Emory manie l’anglais comme un Italien pourrait le faire. Bien évidemment, pour apprécier cette interprétation, il vous faudra opter pour une VO sous-titrée (mais ne l’avons-nous pas déjà assez conseillé dans d’autres cas ?
Le casting secondaire est riche, diversifié et irréprochable : Jim Broadbent (le père Flood, sponsor d’Eilis et appui inconditionnel), Julie Walters (incroyable Mme Kehoe, logeuse et figure de proue respectée), Jane Brennan (la mère d’Eilis), Fiona Glascott (Rose, la sœur de notre héroïne), Brid Brennan (la détestable Mme Kelly) et le jeune et néanmoins génial James DiGiacomo (le petit frère de Tony). La liste est encore longue et il est difficile de rendre hommage à tous ces seconds rôles qui donnent une impulsion tonique à l’histoire d’Eilis.
A côté de cette histoire fabuleuse et ce casting de choix, il faut saluer le travail technique qui entoure le film. En effet, les années 50 sont reconstituées de façon singulière, à travers des décors authentiques et restitués à la perfection, les costumes impeccables, fidèles à la mode de jadis et haut en couleurs, les musiques d’antan plaisantes… Tout est réglé au millimètre prêt et fait que notre immersion dans cette époque n’en est que plus délectable. Les amateurs de belles histoires, d’épopées, d’amour partagé seront rassasiés et ne regretteront pas une seule seconde d’avoir fait le voyage !
Lauréat du prix « meilleur film britannique de l’année » au BAFTA 2016, il est nommé dans trois catégories pour les Oscars de fin de ce mois : meilleur film, meilleure actrice et meilleur scénario adapté : espérons qu’il ne soit pas trop effacé par les géants qui concourent dans les mêmes catégories… mais qu’importe, même si ne se voit pas décerné les statuettes dorées, n’hésitez pas à pousser la porte de votre salle ciné et à vivre l’aventure courageuse de cette irlandaise audacieuse. Nous avons sans doute un parti pris dans la rédaction de cet avis mais nous l’assumons pleinement et espérons que les curieux seront convaincus et irons se forger leur propre opinion