Yórgos Lánthimos est du genre fidèle. A un style, froid et lent, avec des touches de violence surprenantes, à des gimmicks (les danses absurdes) à ses interprètes (Colin Farrell qu’on retrouvera dans la fable mythologique Mise à mort du cerf sacré ainsi que Rachel Weisz et Olivia Colman, dans la Favorite) et au scénariste attitré de ses premiers films (Efthýmis Filíppou, déjà présent sur Canine et Alps).
Tout comme dans Canine et Mise à mort du cerf sacré, il nous faut du temps pour comprendre dans quel univers décalé les personnages évoluent. La voix off (une voix de femme, ce qui change!) n’aide en rien puisqu’elle sert plus de musique poétique aux images que d’explication de contexte, répétant les descriptions que l’on voit ou les dialogues que l’on entend.
Un homme tout juste quitté par sa femme (Colin Farrell, acteur caméléon de très grand talent) est ainsi conduit en fourgonnette vers un hôtel de luxe (dont Olivia Colman joue la propriétaire) pour y trouver une partenaire. Il est accompagné de son border collie
(dont on apprendra plus tard qu’il s’agit de son frère)
et choisit, si l’expérience échoue, de devenir un homard (« Lobster » en anglais). On découvre alors longuement la vie dans ce club de rencontres aux allures de psychothérapie de groupe et de télé-réalité, sur le ton de l’ironie, au fil de dialogues indigents qui finissent par devenir cohérents (une marque de fabrique du couple Lánthimos/Filíppou) et de procédés filmographiques erratiques (alternance de plans larges et de plans fixes, cadrage, ralentis, travellings). La deuxième partie du film se déroule en une sorte de négatif à la première. Je ne spoilerai pas mais Rachel Weisz y est impressionnante de justesse.
Il y a du Cronenberg, du Truffaut, du Buñuel et du Kafka dans la façon toute personnelle de Lánthimos d’appréhender de façon réaliste sur fond d’absurde les grands thèmes humains, l’éducation, la sexualité, le destin, la superficialité, la mort, ici le couple, et, par-dessus tout, l’incommunicabilité entre les êtres. Pour digresser, je dois admettre que, principalement dans les films hollywoodiens, les scènes de bal de promo où chacun·e se met en devoir de se trouver un·e partenaire m’ont toujours profondément angoissé et c’est exactement ce qui ressort de cette œuvre : l’obsession sociale de la vie en couple et, surtout, de ses codes et règles, qui rythment (et ruinent) une bonne partie de nos vies.
Le héros se retrouve ainsi solitaire quand il faut être en couple et amoureux quand il faut rester solitaire
. Jamais à sa place. Un vrai rôle de K.