Faut il que la distribution soit nulle pour avoir livré au milieu des nanars estivaux La Isla minima, ce superbe film noir, le meilleur de ces derniers mois?
Ca se passe dans l'Espagne (tout juste, à peine...) post franquiste. Et en Andalousie. Mais une Andalousie si éloignée des clichés touristiques qu'il faut se pincer pour y croire! Ce sont des roselières à perte de vue, qui bordent une côte désespérément plate; dans l'arrière pays des champs de céréales cultivés par des paysans pauvres, arriérés, métayers pour de gros propriétaires. Au dessus, des vols d'oies sauvages..... On pense à Mud, forcément (même si pour la densité de l'intrigue on évoquerait plutôt True Detective). Mais on est loin du pittoresque du golfe du Texas: ici, tout est triste, grisâtre, avec un image plutôt crade. Et donc les filles du pays n'ont qu'une idée -fuir!
Deux d'entre elles, deux sœurs, ont disparu. Deux flics de Madrid sont envoyés sur place. Très différents. L'un, Pedro (Raùl Arevalo), futur père, est très clean, limite rabat-joie. L'autre, Juan (Javier Guttierez), plus âgé, fêtard et picoleur,
a un passé trouble. Il aurait appartenu aux milices franquistes
.
Ils apprennent que dans le passé, deux autres jeunes filles ont déjà disparu; comme les sœurs, elles rêvaient de partir; comme elles, elles avaient dans leurs papiers des documents sur du travail à Malaga.
L'une est morte, on en est certain: on a retrouvé son pied, arraché sans doute par une hélice de bateau.
Les deux flics se heurtent à la méfiance, pour ne pas dire l'hostilité, des paysans. De chasseurs, ils ne sont pas loin de devenir gibiers. C'est que, dans ces marais du Guadalquivir, il y a des trafics de drogue, de tabac. Les gendarmes locaux coopèrent à minima. Le maire n'a qu'un objectif: ne pas déplaire au gros propriétaire et à ses amis. Bref, tous ces gens là ne savent pas que désormais, on est en démocratie.... ou ne veulent pas le savoir. Pourtant les travailleurs agricoles vont oser se mettre en grève!
Il y a dans le film d'Alberto Rodriguez, cinéaste, je dois le dire, de moi inconnu jusqu'à présent! une atmosphère glauque, inquiétante, le danger peut venir de n'importe où -et une poursuite de bagnole à quarante km/h en Dyane (que celui qui se souvient de ce qu'était une Dyane lève le doigt!!!), sur ces levées de terre entre les roselières devient plus palpitante qu'un poursuite en grosse américaine dans les rues de Los Angeles....
Souvent, dans l'image horizontalement séparée en deux: le ciel, la terre- passent ces vols de migrateurs, libres, libres comme le rêvaient les jeunes filles. Il faut souligner l'utilisation de quelques vues aériennes sublimes, qui font de l'espace un tableau abstrait, à peine réveillé par le mouvement d'un véhicule -et, bien entendu, le passage des oiseaux.
A ne pas rater pour les amateurs de polars lents et subtilement pervers.