Vendu comme le meilleur film espagnol de l'année bientôt écoulée, la Isla Minima marque surtout de par le rapprochement inévitable avec la première saison du succès HBO, True Detective. Certes, ce n'est pas la Louisiane mais l'Andalousie. Ce n'est pas une série mais un long-métrage. Mais en dépit de la volonté louable d'Alberto Rodriguez d'implanter son récit dans l'Espagne post-Franquiste, d'y inclure les fantômes du passé tous frais de la dictature, le film ne peut résolument pas s'éloigner de ses origines, le polar semi-philosophique, semi-lyrique, semi-métaphorique. Qu'on se le dise, La Isla Minima ne nous ouvre pas les mains. Il s'agira en effet d'aller à la rencontre du récit proposé, de tenter l'approche biaisée afin d'entrer pleinement dans le drame qui se joue à vitesse considérable sous nos yeux. Oui, tout est question ici de point du vue, bien avant d'être un simple récit policier.
Les véritables méchants existent-ils? Ne sont-ils pas simplement façonnés par les circonstances? Comme l'avait si bien fait Nic Pizzolatto avec ses deux flics au bout du rouleau, que tout opposaient, les personnages principaux sont ici des individus inclassables, agissant au gré des circonstances. Deux flics issus de générations différentes, l'un ayant servi le régime de Franco, du sang semble-t-il jusque sous les ongles. L'autre est un idéaliste, droit dans ses bottes, d'apparence. Peuvent-ils cohabiter, collaborer, malgré le passé de l'un et les idées tranchées de l'autre? Le confrontation avec le mal, le véritable mal, semble nous dire que oui. Qu'importe le passé, le présent nous confronte à l’inhumanité, à une certaine forme d'horreur. Il est donc temps d'unir ses forces, en dépit de la méfiance, du remord ou tout autres considérations. Peu-importe le passé de l'Espagne, le présent ne tolère pas le meurtre, le viol et l'ignominie qui en découle. La justice possède plusieurs visages, adaptables selon l'époque.
Ce postulat est sans conteste l'un des points forts du ce film policier dans la veine des plus curieux d'entre eux. La beauté des paysages andalous, enjôlés de par ces somptueuses vues aériennes, à la vertical du sol, ne peut qu'offrir un contraste intéressant mais jamais effacer la noirceur des propos, une fois encore à la l'image des bayous sur HBO. Il semble même que cet exil dans les terres permet d'alourdir encore la sinistre réalité qui se révèlera aux deux policiers. Ses derniers, incarnés par Raul Arévalo et Javier Gutiérrez, sont toujours justes, efficaces, agissant à l'instinct, à la vitesse de l'éclair, jusqu'à une conclusion au nihilisme probant, un final à la fois logique et surprenant.
La Isla Minima offre donc une vision contemplative du polar, déformant à volonté le moule du film policier traditionnel. Si cela est louable, une fois encore le travail d'écriture initial est impeccable, le film souffre pourtant d'un rythme cassant qui contraste avec le propos. Malgré tous ses intérêts, aussi variés soient-ils, le cinéaste semble ne pas vouloir s'attarder et manque parfois de profondeur, de calme, lorsqu'il enchaîne ses séquences. On ne regrettera pourtant pas, de loin pas, d'avoir découvert ce morceau de bravoure venu d'Espagne, nation de cinéma, indiscutablement. 14/20