Sorti cet été après avoir été présenté dans de nombreux festivals, « La isla minima » a été récompensé de nombreuses fois. Lors de la 29ème cérémonie des Goyas, il a remporté 10 prix dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur ou encore du meilleur acteur pour Javier Gutiérrez. Encensé dans certaines compétitions cinématographiques espagnoles et françaises, on se devait de se pencher sur ce phénomène qui a beaucoup fait parler de lui lors de sa sortie. Et nous ne regrettons pas de l’avoir fait.
Tout d’abord, parce que l’époque des années 80 durant laquelle se déroulent les faits est très bien représentée. Perdu au milieu de nulle part, le petit village où se déroulent les faits semble figé dans le temps. Les images proposées, la lumière, les couleurs sont sublimes et nous transportent dans un ailleurs et un autre temps avec beaucoup d’attachement.
Ensuite, parce que les thrillers étrangers ont la cote dans notre paysage cinématographique. Après le tandem norvégien du « Département V », c’est un duo espagnol que l’on suivra dans l’enquête de la « Isla Minima » et il n’y a pas à dire, les réalisateurs étrangers savent y faire ! Bien loin de tous les clichés dont ils sont parfois affublés, les films du genre parviennent encore à nous cueillir et à nous surprendre et celui-ci en fait partie. Preuve qu’il ne faut pas être estampillé « made in USA » ou être dirigé par un cinéaste de renommée pour proposer au public une intrigue et une réalisation de qualité.
D’ailleurs, là où il fait fort, c’est que le réalisateur laisse peu de place à l’histoire personnelle des deux protagonistes. Si l’on décèle leurs failles et que l’on leur caractère, le reste a peu d’importance. Et ce n’est que tant mieux car cela nous permet de rester focalisé sur l’enquête sans nous perdre outre mesure. Pas de blabla à rallonge, pas d’introspection inutile, on mène l’enquête et on tâche d’avancer malgré les difficultés.
En parlant de réalisateur, il s’agit ici de Alberto Rodriguez qui est d’ailleurs loin d’être un novice puisqu’il a déjà scénarisé et mis en scène cinq autre longs-métrages tels que « Le costard » ou « Les 7 vierges ». Si son nom ne nous dit probablement rien, il marquera notre esprit et nous incitera même à nous plonger dans ses autres long-métrages. Invitation que l’on vous fait à notre tour.
Bien plus qu’un film policier, « la Isla minima » présente aussi une Espagne post-franquiste qui peine à mettre en place une démocratie stable après avoir connu le fascisme de Franco. Alberto Rodriguez a d’ailleurs eu l’intelligence de marquer cette opposition à travers ses personnages principaux. Il dira de ses héros que "Le premier est mû par la peur de mourir, le second par une ambition dévorante. Pour autant, il n’y a selon moi, ni “ gentil ”, ni “ méchant “ dans cette histoire. L’un n’est pas tout noir et ni l’autre tout blanc, ce serait trop simple. Pour autant, la question que soulève le film est frontale : notre jeune flic, en essayant de passer l’éponge sur les casseroles de son vieux collègue fait-il le bon choix ? Quel avenir pour nous, pour l’idée de justice ? Le compromis est-il la solution ? Et à quel prix ?"
En tête du casting, Javier Gutiérrez (Juan Robles dans le film) et Raúl Arévalo (pour assurer le rôle de Pedro Suárez), deux comédiens espagnols confirmés mais inconnus chez nous. Etonnant car leur charisme, leur jeu et leur visage typé se mettent au service du film film avec génie : ils méritent vraiment d’être reconnu au-delà des frontières et espérons recroiser leur route dans d’autres films mieux distribués.
L’enquête est lente, on tourne en rond à l’image de ce qui pourrait se produire dans la vie réelle. Ici, aucun effet d’accélération, aucun moyen démesuré pour servir l’enquête : on fait avec les moyens de l’époque et on tente de mettre en lumière toute la vérité, aussi dure soit-elle. Pour accentuer cette dureté des faits, des décors arides du Sud de l’Espagne, que nous trouvions déjà sublimes, à perte de vue. Tout est (bien) pensé et si certaines scènes peuvent choquer un public non averti, nous n’avons pas grand-chose à regretter dans ce film… peut-être la discrétion de sa sorti en salles et en DVD en décembre dernier ? « La isla minima » est véritablement un bon film et vaut la peine que l’on s’y intéresse