Ce film me faisait de l’œil depuis quelques temps déjà. Alors avant qu’il ne soit déprogrammé, j’ai trouvé un créneau pour aller le voir. Que nous raconte donc ce cher Charlie ?
Charlie, incarné par un parfait David Gulpilil, est un aborigène qui vit modestement dans la campagne australienne, en compagnie de vieux amis à lui. Il côtoie également des australiens blancs, logique démographique oblige. Charlie est adepte des traditions, et ce qu’il ne supporte surtout pas, c’est qu’un blanc vienne lui dire ce qu’il a à faire. Alors Charlie ne perd pas une occasion pour se moquer d’eux ou pour se confronter à eux lorsqu’ils le réprimandent. Dans le but de fuir ce climat qui l’oppresse, il va partir dans le bush afin de retrouver la terre de ses ancêtres.
Charlie’s Country est une critique ouverte du mépris de la culture aborigène en Australie, pays créé de toutes pièces par la colonisation occidentale, à l’instar des Etats-Unis et des populations amérindiennes, qui vivent dans une situation analogue. Dans ce film, Charlie fait souvent référence au fait que l’Australie est la terre de son peuple, et qu’il ne comprend pas qu’il doive suivre des lois créées par un peuple étranger qui est venu s’installer et s’approprier ses terres. C’est pour cette raison qu’il part en solitaire s’aventurer dans le bush, afin de renouer avec ses origines et ne plus être confronté à l’oppression et à la répression.
Au-delà de s’intéresser au cas d’un individu isolé, le film parle également des maux qui frappent le peuple aborigène dans son ensemble. La pauvreté est extrêmement présente, ainsi que l’alcoolisme. Dans une société qui vit à cent à l’heure, où l’accomplissement et la réussite sociale occupent le premier plan, les aborigènes, centrés sur la relation et l’harmonie avec la nature, la paix et le calme, ne trouvent plus leur compte, et ne peuvent plus s’intégrer à cette société qui les rejettent. Auparavant un peuple noble et souverain, ils sont devenus des parias alcooliques qui arpentent les rues et squattent certains endroits dont ils sont rapidement chassés par les autorités.
Ainsi, Charlie symbolise ce malaise qui frappe le peuple aborigène, en étant un exemple de résistance face à la domination des blancs, ainsi qu’en étant un fervent fidèle des traditions de son peuple. Mais c’est avant tout un personnage attachant qui sait nous faire rire dans des instants de légèreté, et qui nous émeut lors de certains moments de difficulté et de solitude. C’est un brave vieux bonhomme, un jour fier et digne représentant de son peuple lors d’un spectacle devant la reine Elizabeth II à l’occasion de l’inauguration de l’Opéra de Sydney, et peu à peu oublié par ses pairs, à l’image du peuple aborigène.
J’ai un peu regretté le manque de scènes mettant en avant la nature riche et variée de l’Australie. J’attendais un film davantage tourné sur la relation entre l’homme et la nature, bien qu’une partie du film y soit consacrée et bénéficie d’une très belle photographie. Il s’agit avant tout d’une question de point de vue, le réalisateur ayant préféré une analyse de la société et de la place du peuple aborigène dans l’Australie d’aujourd’hui, et ce, avec succès. Un beau film !