"Demolition" porte un sujet difficile à traiter, surtout lorsqu’il faut laisser les choses se décanter, ce que les scénaristes et le réalisateur ont réussi à faire. Les choses mettent tant de temps à se décanter qu’on tend vers une impatience allant en grandissant, plus ou moins à l’image de Davis Mitchell alias Jake Gyllenhaal : on tourne en rond, on tapote des mains, on pose le doigt sur le bouton de la télécommande soit pour éteindre soit pour changer de chaîne avant de changer d’avis, et on désespère même de voir où le film va en venir. On ne peut guère reprocher cette lenteur que provoque souvent le processus du deuil, le deuil n'étant souvent possible que lorsque la boucle est bouclée, notamment quand il intervient de façon brutale et inattendue. Cette lenteurest ce qui fait l’entière crédibilité de "Demolition". Le message de ce long métrage est clair et d’une infinie clarté : le deuil se fait de plusieurs façons selon les personnes. La plupart pleurent toutes les larmes de leur corps, tandis que d’autres se réfugient dans le travail et activités diverses, alors que d’autres encore entrent dans une sorte de léthargie destructrice dont ils n’ont pas forcément conscience. Pire, cette minorité-là souffre de ne pas souffrir comme la plus commune des personnes, et ces gens-là s’en veulent énormément jusqu’à parfois s’en culpabiliser, toujours sans en avoir vraiment conscience. La profondeur du sujet est immense, mais le récit manque paradoxalement de cette profondeur, et ce de façon cruelle. Tout du moins, c’est l’impression que laisse ce film quand on le voit pour la première fois, malgré une belle chute amenée par des coups de théâtre intervenant sur les 15/20 dernières minutes. "Demolition" fait partie de ces films un peu pénibles à suivre car on ne voit pas bien où il va en venir, entrant ainsi dans la catégorie des œuvres comme "Sept vies", "Oldboy", ou dans une moindre mesure "Et après". Mais en aucun cas, "Demolition" n’arrive à leur niveau, bien que son charme agit sur un terme plus long. Je m’explique : tout de suite après l’avoir vu, je qualifiai ce film de tout juste moyen, certes doté d’une jolie fin, mais c’est tout. Sans plus. La nuit passée dessus, je me suis levé au matin avec le film en tête, et ma vision est devenue un peu différente, me faisant rajouter un bon point à ce que je voulais mettre au départ. Cependant je persiste à penser que le récit manque cruellement de profondeur, laquelle aurait permis au spectateur d’éprouver une profonde empathie envers le personnage principal. Nous avons seulement de la sympathie envers lui, ce qui est insuffisant au vu de la teneur du propos. Malgré mon avis partagé, je ne vois pas comment le réalisateur, les scénaristes et les comédiens auraient pu faire mieux. Ne voyant aucun défaut, je dois me résoudre à dire qu’ils sont parfaits, avec notamment un Jake Gyllenhaal lunaire en tête d’affiche. Ce dernier affiche même un talent supplémentaire dans la danse. Chris Cooper lui donne parfaitement la réplique, et est le plus convaincant des seconds rôles, malgré la prestation honorable de Naomi Watts, et plus particulièrement de Judah Lewis. Bien évidemment, le tout est porté par une bien jolie musique de Susan Jacobs, qui s’est permis le luxe de propulser Charles Aznavour sur le devant de la scène avec sa chanson "La bohème", parfois superbement réorchestrée en version piano. Pour conclure, "Demolition" est un film qui n’est pas extraordinaire en soi, mais il a le mérite... de marquer les esprits.