Démolition est selon moi un chef-d'oeuvre qui mérite d'être vu une fois dans sa vie pour comprendre au moins de quel sujet ça traite, un sujet profond qui peut toucher tout le monde, absolument tout le monde.
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C'est l'histoire d'un banquier ayant une vie plutôt accomplie, qui perd subitement sa femme Julia, lors d'un accident de voiture, ce tragique phénomène le conduira à se laisser péricliter, perdant ainsi tout goût à son "ancien" monde, le monde d'affaire constitué de chiffres et de bilans.
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Si vous voulez mon avis, l'impact sur la psychologie de David Mitchell (joué brillamment par Jake Gyllenhaal) en ce qui concerne la mort de sa femme dans l'accident a été si phénoménal que cela a provoqué une sorte de séisme sentimental tellement dantesque qu'il en refuse spontanément de pleurer, de ressentir quelconques émotions tout en étant noyé perpétuellement dans cet ouragan sombre qui le poursuit constamment lui faisant rappeler qu'il a perdu un être cher. Et justement cette tristesse, il la transgresse par la démolition : citation du film "Réparer le coeur des hommes, c'est comme réparer une voiture. Il faut tout démonter. Tout examiner. Ensuite, tu peux tout remonter" il démolit donc petit à petit pour trouver la faille, c'est-à-dire trouver pourquoi il n'arrive pas à être triste, pourquoi cet accident lui a été infligé, pourquoi son bonheur vient de lui être enlevé. Mais il ne trouve pas et ne trouvera jamais car son problème n'est ni matériel ni physique, il est bien plus que cela, il appartient à une dimension que nul en a la maîtrise. Et parallèlement sa rencontre avec Karen et son fils le rendent à la fois plus dépressif dans un certain sens car il voit une famille qu'il aurait, de toute évidence, aimé fonder de avec Julia mais tragiquement, cette famille, il en a aussi besoin de son côté, c'est ça le hic pour lui, il a besoin de désirer autre chose, de ressentir autre chose, d'essayer de se retrouver lui-même face à eux.
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Ce sentiment à la fois "overthinking" et "Spleen" suite à l'accident va notamment bouleverser son comportement social et mental, ne sachant plus du tout ce qu'est le sens de la vie, l'amour, l'amitié, le travail, la famille, la tristesse et la folie. C'est une totale remise en question pour Davis, c'est très triste pour lui, nous, spectateurs on aimerait l'aider, on a de la pitié pour ce personnage et c'est pour ça que j'aime le cinéma, je tiens au personnage.
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La fin est heureusement très belle et plutôt rassurante, on sent qu'il a tourné la page, on sent qu'il va aller de l'avant, reconstruire une vie et essayer de vivre malgré tout avec cette peine et ce sentiment d'injustice. Et la dernière démolition qu'on voit est effectuée par le fils de Karen, cette dernière démolition de bâtiments, je le vois comme une métaphore de la souffrance intérieure de Davis qui enfin se casse pour de bon, grâce à Karen, grâce au fils de Karen.
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Un mot sur la musique qui est tout au long du film, extrêmement bien travaillée et notamment à la toute fin ou il y a comme un mélange entre la musique enfantine du manège qui est lié au sentiment de bonheur et de joie à cette musique triste qui est une reprise au piano de 'La Bohème" de Charles A. Ce mélange musical reflète exactement l'état d'esprit de Davis. Il vivra toute sa vie avec cette douleur au fond de lui mais il doit aussi aller de l'avant, vivre aussi son bonheur à lui.
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Voilà donc ce que j'ai aimé dans ce film, Jean-Marc Vallée nous propose de revisiter ce qu'est la tristesse, en la traitant différemment, on peut donc réussir à montrer aux autres, à nous téléspectateurs que ce n'est pas du tout facile de se ressaisir après une perte importante, et ce film le montre exceptionnellement bien ce qu'est ce triste et sombre épisode de la vie.