Jean-Marc Vallée connait une ascension fulgurante de sa carrière depuis l'excellent Dallas Buyers Club, qui voyait sa réussite par sa sincérité et la force de ses acteurs. Ayant accès à des castings plus prestigieux et une renommé qui le place dans la catégorie des réalisateurs indépendants sur lesquels on peut compter à Hollywood, il enchaîna très vite assez ses deux derniers films, Wild et Demolition. Wild était une déception en vu de ce que le metteur en scène avait fait précédemment. Le film s'embourbant dans un style artificiel et vain qui n'était sauvé que par ses acteurs impeccables. On est donc légèrement perdu face au style de Vallée, qui donne l'impression d'avoir pris tellement d'ampleur qu'il à perdu ses objectifs premiers, l'émotion et la sincérité. On est donc sur la retenue face à son dernier film qui est symptomatique de son évolution, entre intellectualisation plus rigoureuse mais sensibilité mise au placard.
Le scénario à pourtant l'originalité de prendre le traitement du deuil d'une manière assez peu exploité. Même si on final c'est très prévisible et que l'on en arrive au même conclusion, le parcours se montre indéniablement plus frais et convaincant. Évitant le pathos qui aurait pu être de rigueur pour offrir un récit aéré et qui ne néglige pas la légèreté et l'humour malgré son sujet grave. Mais le fait est que le film se retrouve le cul entre deux chaises, celle du feel good movie et celle du drame indépendant américain, culminant les défauts des deux genres. Il sera donc parfois bien trop cul-cul notamment dans sa conclusion mais aussi parfois bien trop cynique dans sa manière de mélanger les drames humains. Le personnage de la mère et de son fils qui viennent en "aide" au personnage principal vont forcé et déconnecter du reste, comme si il y avait un film dans le film et que celui-ci racontait totalement autre chose. Cet aspect et pas des plus maîtrisé et est typique des drames du genre, on rajoute une couche de drama pour alourdir l'ensemble et créer une pseudo romance pour accrocher le spectateur et faire un destin croisé de deux âmes errantes. Surtout que ce n'est pas subtil dans sa manière de signifier que ses personnages ne sont pas comme les autres et à un regard un peu hautain sur le monde qui l'entoure, desservant son propos et étant bien trop moralisateur dans son intellectualisation. Alignant les symboles et les métaphores de manière lourde et bien trop appuyées, le film trahit son manque de sincérité au profit de la cohérence filmique avec l'oeuvre de son réalisateur. Il continue à se fasciner pour les personnages qui se déconstruisent pour mieux se reconstruire et trouver le sens de leur vie. Mais il porte un regard de plus en plus détaché sur eux, et même si il se renouvelle dans son point de vue, il devient moins subtil. La déconstruction étant ici très littéral et passant par la destruction.
Le casting est excellent. Totalement habité par son personnage, Jake Gyllenhaal offre une prestation phénoménale. Comme à son habitude il est brillant et tient très largement le film sur ses épaules, à tel point que sans lui l'ensemble n'aura pas eu la même saveur et aurait paru bien fade. Il arrive toujours à impressionner en naviguant dans des registres très différents sans se laisser aller à la facilité montrant qu'il est bel et bien le meilleur acteur de sa génération. Il est soutenu par Naomi Watts, qui est toujours aussi juste et qui excelle suffisamment pour ne pas se faire bouffer par la présence imposante de Gyllenhaal. Tandis que l'on est admiratif devant le talent du jeune Judah Lewis, très bon dans un rôle loin d'être facile et Chris Cooper est lui aussi impeccable malgré un rôle un peu plus caricatural.
La réalisation brille surtout par son montage, qui accentue bien les phases de deuil de son personnage. Multipliant les flashs et apparaissant comme un vrai puzzle mental, il dynamise le rythme globalement et happe vraiment le spectateur surtout qu'il est soutenu par une sélection musicale bien pensée et entraînante. Le travail sur la photographie et en retrait mais si il y a des jeux assez intéressant sur les reflets et la mise au point sauf que c'est bien trop appuyé pour faire pleinement son effets. La mise en scène de Jean-Marc Vallée dispose de très bonnes idées dans la manière de souligner le décalage du personnage jouant sur les ralentis, des effets d'inversions dans les travellings, et etc. Il utilise un langage cinématographique assez dense pour exprimer toute ses idées en faisant quelque chose d'assez habile mais qui finit par tourner en rond et se perdre. Notamment dans sa façon de ne pas être capable d'assumer le point de vue de son personnage jusqu'au bout, rompant son procédé à mis parcours pour multiplier les points de vue et rendant le film plus classique. Il est pas subtil dans le traitement de son personnage, qui est bien rasé et soigné quand il va bien et débraillé et avec la barbe quand il est au plus mal, ce qui est une manière très grossière de signifier son état émotionnel. Il est aussi putassier quand il cède à la facilité d'une séquence à "suspense" lors de la fin pour ajouter maladroitement du drame, se montrant très cynique dans son approche.
En conclusion Demolition est un film sympathique dans la mesure où il possède un casting formidable, Jake Gyllenhaal parfait, qui insuffle une profondeur à l'ensemble. Comme souvent Vallée est sauvé par son casting mais ici le film sera plus digeste que son Wild, notamment grâce à une approche original et plaisante du deuil, qui évite le pathos larmoyant et qui possède des idées de mise en scène vraiment audacieuses et travaillées. Le problème c'est que Jean-Marc Vallée n'arrive pas à tenir la distance et fini par se perdre dans le classique au sein d'une seconde partie plus morne et qui tourne en rond. On reste donc sur notre faim mais pas totalement déçu de ce petit film attachant malgré son final cul-cul et un cynisme qui vient peu à peu envahir l'écran. Ce qui souligne le défaut le plus impardonnable du film; son manque de sincérité qui empêche toute émotion.