Des fois je me dis qu’une claque au cinéma, ça ne se limite pas qu’à une simple rencontre d’auteur. Pour ma part Jean-Marc Vallée, je l’avais apprécié pour son « C.R.A.Z.Y. » qui remonte déjà à une dizaine d’années. Mais bon, depuis, il m’avait un peu laissé sur la touche. Non pas que l’auteur ne me plaisait plus. Disons plutôt que les sujets qu’il abordait, et ce qu’il en tirait, ne me parlait pas plus que ça… Donc oui, avec ce « Demolition », je me dis que les grosses claques, ce n’est pas forcément qu’une question d’auteur qu’on aime. Avec ce « Demolition », je me dis que, parfois, les grosses claques, elles viennent aussi de la rencontre d’un auteur qu’on aime AVEC un sujet ou un traitement qui nous parle. Là, avec cette histoire de jeune dandy qui se laisse surprendre par ses propres émotions (voire même ses propres non-émotions) que suscite chez lui la mort de sa femme, je l’avoue, on touche à quelque-chose qui me parle beaucoup. Ce n’est pas tant le sujet qui m’intéresse, mais bien la façon dont il est traité… S’interroger soudainement. Briser les tabous. Oser regarder les choses différemment. Oser se confronter à l’interdit social. Oser se confronter à l’incompréhension des autres. Oser se confronter à sa propre incompréhension. Tout ça, moi, ça me parle profondément. Or là, franchement, je trouve que Jean-Marc Vallée réussit un double coup de force avec ce « Demolition ». Le premier coup de force consiste à aller creuser du côté de ces deux thèmes très sensibles que sont la mort et l’amour d’une manière osée et peu conventionnelle. Le second coup de force – qui est peut-être pour moi le plus magistral – c’est celui d’être parvenu à lier tout ça dans un récit qui, sans échapper à la mélancolie, n’en reste pas moins traité comme une forme de délivrance jouissive. On perd, certes, mais on découvre aussi. On détruit, c’est vrai aussi, mais on construit autre chose à côté. On bouscule, enfin, mais on libère tout en même temps… Au fond, le film pourrait d’ailleurs se résumer à ça. C’est une ode à la libération par une certaine forme de décloisonnement, aussi violente ou douloureuse puisse-t-elle être… Pour moi, tout le génie du film est là. L’écriture, la réalisation, la bande-son, l’interprétation ne font que s’emboîter dans la logique de cette démarche, et – distribution de qualité oblige – elles le font remarquablement bien. Alors – je sais – pour certains, il ne payera peut-être pas de mine ce film là. Mais bon voilà, c’est aussi cela le cinéma. Le film ordinaire aux yeux des uns sera un joyau aux yeux des autres. Or, je l’affirme, à mes yeux, ce « Demolition », c’est un joyau brut.