Ancien enseignant, dont 21 ans en zone sensible de Seine-Saint-Denis, j'ai été confronté à une situation telle que celle de ce professeur d'histoire-géographie magnifiquement incarné par Ariane Ascaride.
J'ai donc trouvé ce film bien plus réaliste que "La Journée de la jupe" de Jean-Paul Lilienfeld, qui par ailleurs est très bon film.
"Les Héritiers" est une adaptation d'un livre relatant une histoire vraie, à laquelle a participé l'un des acteurs Ahmed Dramé qui a aussi co-signé le scénario.
La plupart des scènes de ce film soulèvent de vrais problèmes, que l'on retrouve dans beaucoup d'établissements scolaires de toute la France : difficultés de professeurs complètement dépassés par les évènements, difficultés d'élèves dans un contexte socio-familial délicat, difficultés de l'acceptation de l'autre chez les jeunes, difficultés des relations entre élèves aux origines multiculturelles, etc. .
Plusieurs scènes sont très fortes, comme par exemple, celle où la jeune lycéenne rebelle, livrée à elle-même car père absent et mère alcoolique et sans travail, a le déclic en regardant à la télévision une émission sur Simone Veil, ce qui lui permet de revenir dans le projet de sa classe, l'accueil qui lui est fait par le professeur (Ariane Ascaride) est d'une simplicité limpide mais pleine d'émotion, le professeur ayant compris que le meilleur moyen d'intégrer une élève qui a de telles difficultés est de lui faire sentir par un regard et un léger sourire qu'on l'attendait, sans rien dire.
La scène de la conférence d'un ancien déporté face à ce jeune public est classique mais remarquable.
Il est passionnant de suivre la progression de l'évolution des mentalités des élèves tout au long du film.
Le dénouement est prévisible mais on se laisse encore emporter par l'intensité des émotions dégagées par tous les acteurs.
Outre Ariane Ascaride toujours aussi convaincante, Noémie Merlant et Ahmed Dramé, la première dans le rôle d'une adolescente rebelle mais finalement très mûre, le second dans le rôle d'un jeune d'une cité qui veut s'en sortir, sont tous deux excellents.
Comme dirait Jean DeLafontaine, "plus fait douceur que violence", mais n'est pas Mme Gueguen qui veut.
Ce film devrait être vu dans les ESPE (anciennement IUFM), pour montrer aux futurs professeurs qu'enseigner, c'est avant tout convaincre et enseigner sa personne.