Un excellent drame français, ainsi qu'un film d’utilité publique, inspiré d’une histoire vraie, dont la force de réflexion n’a d’égale que celle des émotions procurées. Un bel hommage en plus à Léon Zyguet, décédé peu après la sortie du film, en janvier 2015. Basé sur une histoire vraie, ce film relate les relations d'une enseignante avec une classe de seconde dans un lycée de banlieue, adolescents qui ont depuis longtemps décroché du système scolaire. Cette enseignante du lycée Léon-Blum de Créteil (Val-de-Marne) décide de faire passer un concours national qui a pour thème "Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi". D'abord houleuse et frustrante, l'atmosphère va bientôt évoluer au contact d'un rescapé des camps et sous l'intensité dégagée lors de la visite d'un musée consacré à cette période noire de l'Histoire. Cette expérience va changer leur vie... En touchant au thème ardent des banlieues ghettos, des établissements scolaires qui fabriquent l’échec scolaire à la chaîne, au repliement communautaire, à la montée de l’intégrisme dans notre société, Marie-Castille Marion-Schaar s’emploie à se battre pour une cause, et ici, elle a su traiter avec finesse, réalisme et dévotion des enjeux sociétaux qui dépassent chacun, pour ne plus faire que la Une des chaînes d’infos en continue lors de dérapages. Elle s’insinue "entre les murs" pour capter la gouaille d’une génération, sans repères, entre incivilités et comportements primaires quand le cadre n’est pas là pour leur signifier intelligemment, non seulement les valeurs de la République, mais l’importance de l’Histoire et du devoir de mémoire pour mieux sortir de l’obscurantisme qui s’installe en coin de rue. La thématique est actuelle, et la réalisatrice laisse, sur des images de cinéma plutôt belles, la parole à de jeunes personnalités de différentes origines ethniques, attachantes, parfois hystériques, souvent explosives, mais toujours dans une forme de souffrance qui se manifeste de façon plus ou moins violente à l’adolescence, en fonction de l’environnement social, familial et de l’individualité du jeune. Son sens de l’écoute, la véracité du dialogue, la justesse du regard sur ce public dit difficile, rendent pertinente cette approche qui aurait pu pourtant souffrir d’une volonté de la recherche d’émotions faciles face à une thématique casse-gueule : confronter des jeunes, pour certains de confession musulmane, à la Shoah. L’évolution des protagonistes, joués par des jeunes gens formidables de vérité, a pour miroir la détermination d’une prof à la foi inébranlable jouée par la toujours solide Ariane Ascaride, plus prof que nature. L’actrice semble être dans son milieu, au milieu d’une jeunesse qu’elle emmène sur les chemins glaçants de l’Holocauste pour une meilleure compréhension du monde contemporain qu’ils réfutent dans leur aveuglement. Mais celui-ci ne leur a-t-il pas été imposé par une société tout aussi sectaire dans son refus de l’ouverture ? N’y a-t-il pas à Paris même des écoles elles-mêmes composées à plus de 80% de jeunes gens défavorisés alors qu’à 500 mètres l’on sélectionne pour satisfaire les grandes espérances des parents ? Ce film dramatique français est ainsi un film passionnant sur le milieu scolaire et les relations entre professeurs et élèves. Cette production est une réflexion sur les méthodes d'enseignement, les rapports entre l'autorité (professeurs, directeurs) et ceux qui sont supposés s'y soumettre (les élèves). La réalisatrice décrit également les rapports entre les étudiants eux-mêmes : agressivité, violence, conflits religieux, critique et refus de l'autorité, influence négative du milieu familial, etc... Comment faire pour gérer tous ces problèmes ? Rude tâche pour les professeurs qui sont confrontés à ces difficultés quotidiennement. L'intérêt est ainsi de voir que lorsqu'un groupe a trouvé un but commun, les difficultés et les conflits semblent s'estomper. Mais y a-t-il de la part des membres de ce groupe une compréhension profonde de la véritable nature du conflit ? L'histoire n'aborde pas ce sujet complexe et délicat. Il propose une piste de réflexion sur des approches permettant d'atténuer les conflits dans lesquels la société se trouve empêtrée. À moins que vous n’ayez un cœur de pierre, "Les Héritiers" va à coup sûr vous émouvoir. Ce film positif et optimiste, tiré d’une histoire vraie sur la rencontre entre des lycéens en difficulté et leur professeur d’histoire, touche par sa sensibilité. Oui, la formule est déjà connue. Oui, l’histoire est prévisible. Le thème des classes turbulentes transformées par un professeur est loin d’être un sujet nouveau. Sans être un habitué du cinéma, on peut voir défiler le scénario dès le début du film et en prévoir la fin sans trop de difficultés. Pourtant, la magie opère. On se laisse porter par la poésie du film et par la justesse du jeu des acteurs, professionnels comme amateurs. Le travail de montage remarquable apporte un rythme soutenu et donne une sensation de coups de pinceaux qui révèlent petit à petit l’œuvre finale. L’introduction nous plonge dans le quotidien du lycée Léon-Blum de Créteil et, plus particulièrement, dans celui de la Seconde 1. En avançant dans l’histoire on comprend rapidement que cette classe rassemble les agitateurs, les "nuls", les rejetés du système scolaire. Leur relation avec Anne Gueguen, leur professeur principal, jouée par Ariane Ascaride, se crée au fil des scènes. On découvre avec plaisir cette professeur d’histoire-géographie empathique qui, à force de persévérance et de provocation, gagne le respect de cette classe difficile, voir intenable. Ici, chaque détail a son importance. L’histoire d’amour entre Malik (Ahmed Dramé), un musulman et Camélia (Alicia Dadoun), une juive, n’est pas anodine, de même que la présence d’Olivier (Mohamed Seddiki), jeune français qui se convertit à l’Islam. On s’intéresse au timide et renfermé Théo (Adrien Hurdubae ,un acteur remarqué dans le téléfilm "35 kilos d'espoir" et qui a un jeu d'acteur absolument sublime dans ce film), on s’attache à l’agressive Mélanie (Noémie Merlant) et à sa passion naissante pour Simone Veil et on se désole pour Jamila (Wendy Nieto), menacée à cause de ses choix vestimentaires. Ces multiples histoires créent l’atmosphère du film, plantent le décor et ajoutent une dynamique à l’ensemble sans jamais prendre le pas sur l’histoire principale. Car le cœur du sujet, c’est cette classe entière qui va se transformer, se surpasser pour gagner le concours national de la Résistance et de la Déportation. La scène de rencontre avec Léon Zyguet, point culminant du film, est pleine de sincérité, toute en émotion. La musique s’arrête pour laisser place aux paroles de cet ancien déporté venu témoigner devant les lycéens. Quant on sait qu’elle a été tournée d’une traite, sans script, la réaction spontanée des élèves prend encore plus d’ampleur. A travers les élèves de la Seconde 1, on découvre également les enfants et adolescents victimes de la Seconde Guerre mondiale. Le parallèle entre le quotidien de ces derniers et celui des jeunes qui les étudient choque profondément les héros et on sent leur vision du monde, et d’eux-mêmes, changer. On les encourage, on tremble pour eux et on est aussi fier qu’Anne Gueguen, progressivement devenue spectatrice, devant l’évolution de cette classe. Oui, le film est parfois naïf. On frôle le mélo à plusieurs reprises, notamment lorsque les élèves déclament des passages de livres ou de poèmes devant les images de l’Holocauste. Mais Marie-Castille Mention-Schaar s’attaque à un sujet casse-gueule et elle s’en tire remarquablement bien. Elle jongle de façon adroite entre les problèmes des jeunes et l’hommage à la mémoire des disparus pour créer un film galvanisant, d’une fraîcheur incroyable et, surtout, qui ne laisse pas indifférent. "Les Héritiers", derrière ses valeurs fédératrices, aborde de nombreux thèmes complexes, sans jugement arbitraire, mais toujours avec l’envie d’élever les discussions. Un grand remerciement donc à la réalisatrice qui cherche à démocratiser sereinement le débat, afin qu’il ne se cantonne pas aux plateaux de télévision avec chroniqueurs politiques stériles ou à des discussions de quartier qui semblent perdues d’avance face à l’aveuglement des pouvoirs successifs qui n’ont jamais proposé de plans banlieues d’envergure, alors que les extrêmes montent de toute part. "Les Héritiers" est donc une œuvre salvatrice qui saura séduire les plus fermés au sujet, en exploitant aussi subtilement le thème de l'adolescence et de son mal-être, et en véhiculant une belle leçon de vie qui transmet des valeurs de courage, de dépassement de soi, d'entraide et de solidarité, avec un casting irréprochable et des portraits d'adolescents touchants et attachants. Ici Marie-Castille Mention-Schaar s’attaque à un sujet casse-gueule et elle s’en tire remarquablement bien en nous livrant cet excellent film dramatique français, émouvant et d'une justesse remarquable