Porté par Ariane Ascaride (dont nous avions parler pour notre article sur Au fil d’Ariane), Les Héritiers, troisième long-métrage de Marie-Castille Mention-Schaar est exactement le film que l’on attendait pour promouvoir un devoir de mémoire serein et raisonné concernant la Shoah. Profondément humaniste, la réalisatrice raconte l’histoire vraie d’une classe de seconde difficile sauvé par un projet commun. Laissant de coté tout sensationnalisme mal venu, Les héritiers prend aux tripes et nous émeut laissant apparaître que le chemin peut être court de la tête au cœur.
A Créteil, au lycée Léon Blum, l’ensemble d’une des classes de seconde d’Anne Gueguen (Ariane Ascaride), professeur d’histoire, est en grande difficulté scolaire. Professeur principale de la classe, elle va avoir l’idée, aidée par la documentaliste Yvette Thomas (Geneviève Mnich), de leur proposer de concourir au Concours nationale de la résistance et de la déportation. Malgré les différences culturelles et cultuelles, allié à une confiance en soi inexistante, les élèves vont peu à peu se laisser prendre au jeu. En racontant l’histoire des enfants et des adolescents déportés, les jeunes gens vont être transformés par cette expérience.
Impossible de parler de Les héritiers s’en se rappeler qu’il y a quelque mois, Alexandre Arcady instrumentalisait le calvaire d’Ilan Halimi dans 24 jours et se vanter d’avoir reçu de l’Élysée, la promesse de voir son film-spectacle versé au matériel pédagogique des enseignants. A l’époque, nous avions réagi à cette annonce en déplorant que l’on utilise un fait divers crapuleux et sensationnel pour tenter d’éduquer nos enfants au rejet du racisme et de toute forme de fascisme. Nous disions qu’il fallait faire appel à la raison pour démontrer l’iniquité du racisme et qu’alors les cœurs s’ouvrirait à la tolérance et à nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. C’est ce qu’à réaliser Marie-Castille Mention-Schaar, que nous ne remercierons jamais assez. Bien sur, il y a d’autre magnifiques films sur ces terribles événements ; nous citerons Au revoir les enfants de Louis Malle, La vie est belle de Roberto Begnigni ou Nuit et brouillard d’Alain Resnais ; mais Les héritiers a l’intérêt de se situer dans le cadre scolaire et ainsi d’offrir des pistes à étudier pour que se perpétuent à la fois la mémoire des tragiques événements de la catastrophe nazie et la leçon qu’elle donne sur la barbarie à nos portes.
Cette barbarie ne fut pas celle de gens isolés, d’intégristes marginalisés, ce fut une barbarie d’état, avalisée par le plus grand nombre. Ce fut le fruit de la peur et de l’ignorance. Alors que plus de soixante-dix ans après les camps, l’Europe vieillissante accepte en son sein, les camps de travail hongrois. Alors que certains instrumentalisent les peurs et se délectent de faire de l’étranger un bouc émissaire. Alors que les populations ignorantes de leur propre histoire manque de recommencer un cycle identiques d’horreur, portant au pouvoir les descendants idéologiques de leurs anciens geôliers, Les héritiers est un film nécessaire et le message pédagogique qu’il porte revête plus que jamais une importance capitale.
On pleure devant Les héritiers. On pleure, non pas parce que l’on nous assène des images obscènes et voyeuriste, mais parce que l’on fait appel à notre raison. Parce que l’on ne peut que se sentir honteux de faire partie de l’espèce qui fut capable de tels agissements. On pleure parce que c’est absurde, parce que ça n’a pas de sens, parce que la France de Vichy à livrer des enfants, des mères, des pères à une mort certaine. Alors oui, c’est notre cœur qui parle alors, c’est notre affect qui se manifeste mais seulement parce qu’il a compris l’absurdité de la xénophobie et son inévitable rançon sanguinaire. C’est l’intervention de Léon Ziguel, ancien déporté, qui nous donne le coup de grâce. Le vieil homme est d’une dignité hors du commun. Il nous lance comme un appel intérieur. Nous ne sommes pas condamnés à un cercle éternel de violences. Touchés à la tête comme au cœur, nous sommes alors, comme cette classe de seconde, convaincu que c’est dans l’union et la solidarité que nous nous réaliserons en tant qu’êtres humains.
Pendant qu’il est encore temps, courez en salle pour voir Les héritiers et surtout, emmenez vos enfants. Délaissez et méconnaître cette histoire encore récente, effrayante mais riche d’enseignements auxquels nos sociétés tournent déjà le dos, c’est prendre le risque d’y replonger.
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