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Yves G.
1 498 abonnés
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2,0
Publiée le 8 novembre 2013
À l'aise dans tous les répertoires, de Bach à Satie en passant par Beethoven ou Schubert, Alexandre Tharaud est le pianiste à la mode. Il a tout pour lui : il est beau, intelligent - et ce qui ne gâte rien - joue à la perfection. De Québec à Kuala Lumpur, de Genève à Saint-Etienne, la caméra de Raphaëlle Aellig Régnier ne le quitte pas un instant, sur scène ou dans les coulisses, dans les répétitions comme dans les concerts. Le pianiste nous livre ses doutes : les difficultés à jouer des répertoires nouveaux, la solitude du concertiste en tournée. Aussi intimiste soit-il ce documentaire pêche par sa retenue. Alexandre Tharaud distille, couché dans un canapé, quelques maximes sentencieuses. Mais l'on n'apprend rien sur lui, ses parents (il faut aller fouiller dans le dossier de presse pour y apprendre que son père était chanteur d'opéra et sa mère professeur de danse), son éveil traumatisant à la musique classique au Conservatoire, sa relation à la célébrité, son aspiration revendiquée à ouvrir la musique à de nouveaux publics …. Même s'il plaira aux mélomanes, ce documentaire trop sage aurait pu faire l'économie d'une sortie en salle.
Fallait il en faire un documentaire? Ce film met plutôt mal à l'aise lorsque l'on cherche à découvrir le pianiste: dés le début, on voit l'interprète tourner lentement la tête à droite puis à gauche et on sait que la caméra est là, on se demande alors comment on peut se prêter à ce jeu: est ce pur narcissisme? Puis, il devient difficile de s'affranchir de cette première question et on assiste à un déroulé assez complaisant du trouble existentiel de l'artiste qui pontifie un peu sur la solitude, le vide, l'apesanteur et on se dit qu'avec un scénario pareil, nul doute que l'apesanteur n'est pas absente. Puis quelques scènes juxtaposées nous sont proposées: la visite chez le kiné, le calfeutrage de la bouche de conditionnement d'air de l'hôtel puis celle du train, l'emmitouflage dans un sac de couchage sur le siège couchette de l'avion, muni de ses boules Quiès et d'un masque sur le nez: est ce une trop grande fragilité de l'artiste? Ce patchwork s'alimente de quelques phrases musicales de ci de là, un moment assez intéressant sur la mise au point d'un enregistrement, mais c'est bien court et pas forcément convaincant pour mesurer le talent du pianiste qu'on veut découvrir. L'ouverture sur d'autres mondes musicaux se fait aux côtés d'un chanteur de flamenco pour "décloisonner la musique classique" assez loin des sonates de Beethoven. Et on se dit qu'Hélène Grimaud aurait aimé tenir le même rôle un peu narcissique, volontiers philosophique, voire abscons. Au bout d'une petite heure de projection, l'expérience a été plutôt négative et on sort en passant devant le kiosque à journaux où Classica est consacré à Alexandre Tharaud puis on rejoint la librairie voisine où, incidemment, on tombe sur un livre d'entretiens d'Alexandre Tharaud qui est posé à côté d'un livre d'Hélène Grimaud... Comment oublier les documentaires consacrés à Brendel? Incomparables.
Quel dommage que ce film ne soit projeté qu'une fois par jour au Mk2 Beaubourg, j'y suis presque allée par hasard et je ne l'ai pas regretté une seconde. Ce documentaire nous emporte dans un monde à la fois délicat et intense, celui d'Alexandre Tharaud, pianiste talentueux découvert grâce à son disque Rameau. A l'inverse de la plupart des documentaires sur la musique classique souvent didactique et un peu figé, ce film est envoûtant car il nous donne à vivre et à ressentir au plus près. La lumière est magnifique, les cadrages subtiles, et le son, qu'il soit musique ou silence, résonne profondément en nous. Encore!
Ce film est un petit bijou. Il change des documentaires classiques sur la musique classique pour nous entraîner dans une écriture envoûtante fine et à fleur de peau, à l'image de ce pianiste. Lorsque le film s'achève et la salle se rallume, on regrette de revenir au réel et on serait volontiers restée dans ce temps dérobé si rare aujourd'hui. Et pas besoin d'être un spécialiste de musique classique, ce film parle à tous le langage universel de la grâce.