D'abord il faut pouvoir accès au film, de passage en province, le film n'était pas (et il s'avère qu'il ne sera pas) distribué et vivant à l'étranger, le film n'a pas non plus franchi les frontières. Je me suis donc contenté du DVD et n'ai donc pas pu apprécier la 3D. Pas Grave, même si Wenders avec Pina semblait être l'un des seuls réalisateurs à maîtriser le procédé. Bon, bref, Il y a des films qui font un peu peur, parce que Wim Wenders fait partie de ces réalisateurs qu'on a un peu perdu de vue. Peut être parce qu'ils se sont eux mêmes un peu perdus de vue, capables de se perdre dans des méandres contemplatifs ennuyeux ou des impasses auteuristes (je pense aussi à Werner Herzog, Coppola, De Palma, pour qui les deux dernières décennies ont été difficiles). Alors on traîne un peu les pieds, parce que James Franco n'a jamais brillé par son énergie (qu'il doit dilapider dans la quinzaine ! de films qu'il tourne par an mais rarement dans son jeu, monolithique, désinvolte) et puis le peu que je savais de l'histoire laissait craindre un "mélodrame d'auteur" un peu pénible. Certes, la présence de Charlotte Gainsbourg qui au fil des ans, est devenue pour moi, une comédienne précieuse, incroyable de finesse, de discrétion, de curiosité, prête à s'aventurer dans tous les univers, s'abandonner à tous les risques, me rassurait un peu, je me disais "Il nous restera ça", au moins.
Il y a des fois où on a tort, j'aime beaucoup le cinéma et les pays "nordiques" et n'ai pas été étonné de voir au générique que le scénariste était norvégien, tant j'avais l'impression de retrouver tout ce que j'aime dans ces cinématographies mal connues, mal distribuées en France. Une certaine lenteur, une grande attention aux gens, une simplicité d'exécution, de l'empathie et de la compassion pour tous. J'ai été d'abord un peu irrité par les premières minutes (un peu poseuses) puis très vite intrigué, séduit, passionné et peu à peu complètement bouleversé par cette histoire toute simple, qui emprunte des chemins psychologiques tout à fait étonnants, à contre courant des clichés, du conformisme, des idées reçues. Et si le film est si beau, si nu, si sobre, c'est que Wenders a retrouvé le goût de mettre en scène, forme superbe, photographie qui sublime les personnages et les décors sans tomber dans le maniérisme artificiel de Paris,Texas, musique atmosphérique très belle (et surprenante de Desplat), direction d'acteurs impeccable (l'acteur qui joue le rôle de l'adolescent est formidable, et Franco s'en sort finalement bien), scénario limpide, sans coup de force, souverain (même si on aurait aimé voir les personnages féminins un peu plus développés).
Il est toujours difficile d'écrire une critique positive, c'est toujours plus payant de se faire les dents sur les mauvais films qui ne manquent pas. Il se joue dans la rédaction d'une critique qui veut encourager les autres à partager ses émotions, davantage d'éléments personnels. Disons que les spectateurs qui ont encore le goût d'autres rythmes, de scénarios à dimension humaine, d'émotions non sollicitées y trouveront leur compte. J'ai cru comprendre que le film n'a pas très bonne réputation, ne soulève pas d'enthousiasme particulier dans les commentaires glânés partiellement ici et là. Ce n'est pas très étonnant, il est loin du cynisme, du racolage et du tapage de notre époque. Il est un peu hors du temps et donc Universel. Je vous invite à vous laisser (em) porter par ce beau film qui est AUSSI du beau cinéma. Ils ne sont plus si nombreux.