Wim Wenders est l'un des rares réalisateurs à faire de la 3D un parti-pris esthétique. On songe à son très beau film "Pina" qui montrait à travers des sortes d'estampes dansées, le parcours artistique de chorégraphe. L'image était soignée, d'une grande beauté, et la technologie 3D apportait une épaisseur émotionnelle supplémentaire au film. Ici, dans ce long métrage, les paysages sont superbes. On croise l'hiver, le printemps, des étendues de fleurs jaunes, des pentes d'herbes vertes, et des maisons magnifiques, plantées dans les paysages pittoresques. On rentre dans les appartements, les maisons aussi, trop souvent, et cette fois, l'effet produit par la 3D perd toute sa valeur esthétique, le champ se rétrécit jusqu'à produire une sensation réelle d'enfermement.
Mais suffit-il de filmer des paysages magnifiques pour faire un grand film ? La réponse est négative. Le grand défaut de ce film provient du scénario. Le film fonctionne par ellipses, ou par une série d'oppositions, comme des contre-champs permanents, entre le monde rural de cette jeune mère qui vient de perdre accidentellement son enfant, et le monde urbain et mondain de cet écrivain, qui est à l'origine de l'accident. Le thème général est tout à fait intéressant. Son développement, hélas, beaucoup moins.
Quand on regarde un film de Wenders, nécessairement, on a en tête la profondeur silencieuse de "Paris Texas". Ici, le réalisateur échappe presque à son histoire. Charlotte Gainsbourg sanglote, et le deuil maternel se réduit à ces sanglots passagers qui s'étouffent dans des longs plans séquence, presque vides, où la jeune femme dessine en regardant son fils dormir. L'écrivain, lui, retrouve l'inspiration, le succès, et avec eux, il erre d'une femme à l'autre avec ses grands et magnifiques yeux noirs. Le réalisateur brasse des thèmes tout à fait puissants : le sens de la vie, l'inspiration artistique, le vieillissement, le deuil, la mélancolie, l'impossibilité d'aimer, la filiation, la culpabilité, bref, une telle quantité de sujets qu'ils se perdent et se télescopent les uns les autres sans cohérence. Le réalisateur escamote ainsi ses personnages à trop vouloir en dire ou en montrer. On tombe même dans une forme de vulgarité narrative à la fin, où cet enfant devenu grand, rentre dans la maison de l'écrivain et pisse dans son lit pour attirer son affection.
La maladresse principale du film se situe dans la difficulté du réalisateur à situer son film dans le temps. S'il marque l'avancée chronologique du récit à coup de 4 ans à chaque fois, tout vieillit sauf ses personnages principaux qui continuent de briller de beauté et de jeunesse. Les acteurs ont certainement lutter contre le maquillage comme marqueur du temps qui passe, toujours est-il que l'impact est immédiat sur la vraisemblance de la narration.
On sera passé à côté. Dommage car Wenders est indéniablement l'un des plus grands réalisateurs de notre époque.