Après avoir réalisé un quasi-sans faute depuis leur premier film et, surtout, après le raz-de-marée "Intouchables", Eric Toledano et Olivier Nakache prennent le risque de changer de registre en s’éloignant un peu plus encore de la comédie (mouvement qu’il avait amorcé avec "Intouchables" dont le sujet recelait une certaine tension dramatique) pour s’intéresser au sort des sans-papiers sur le territoire français. Le pari était osé puisque le sujet est tout sauf anodin et divise encore profondément la société française. Et, malgré tout leur talent, les réalisateurs s’en sortent moins bien que d’habitude. Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, le scénario qui n’a pas grand-chose à raconter… ou, plutôt, n’apport pas grand-chose de neuf. Certes, ils nous rappellent que les sans-papiers servent l’économie du pays (restauration, BTP, sécurité…) sans pour autant être déclarés et, ainsi, traités comme tout citoyen. Le problème, lorsqu’on aborde un tel sujet, c’est qu’il faut le traiter avec le plus d’objectivité possible, à défaut de quoi on ne peut qu’être suspecté soit de tolérance laxiste, soit d’intransigeance coupable (selon le point de vue de l’auteur bien sûr). Et, malheureusement, dans "Samba", Toledano et Nakache éludent certains points inhérents à la situation des sans-papiers et dressent un portrait un peu trop "policé" de leurs personnages. Ainsi, tous les sans-papiers présentés sont des travailleurs acharnés et volontaires, désireux de s’intégrer. Il n’est jamais fait la moindre allusion au moindre problème de délinquance ou de violence et le problème du sectarisme (qu’il soit religieux ou simplement culturelle) n’est même pas évoqué. Difficile, dès lors, de ne pas s’attacher aux personnages qui n’ont pas ou peu de défauts (le seul méchant de l’histoire voit ses actes justifiés par une peine de cœur et subit un punition quasi-immédiate). En même temps, Samba ne se pose pas en film politique, ne prétend pas délivrer le moindre message et a l’intelligence de se consacrer davantage sur le parcours d’un homme et non sur un problème de société. On ne peut, donc pas vraiment reprocher au film de se montrer trop complaisant vis-à-vis des sans-papiers, et ce d’autant plus qu’il ne dresse pas, par ailleurs, un portrait détestable des patrons exploitant cette main d’œuvre bon marché, évitant, ainsi, le piège du manichéisme si cher à Ken Loach. Il y a, malheureusement bien d’autres défauts plus "dérangeants" dans ce film, à commencer par le manque de renouvellement de la mise en scène des réalisateurs qui se sont un peu trop reposés sur leurs lauriers ici. On retrouve, ainsi, le même style de BO, à la fois classieuse et sobre. On retrouve, également, les habituelles cassures de rythme, toujours sympathiques mais qui favorisent beaucoup trop les moments "tendres" ou "dramatiques", au détriment des moments drôles. Même les scènes comiques ont un goût de déjà-vu, avec ce goût pour les dialogues atypiques ou, encore, la scène des entretiens à la chaîne avec les sans-papiers (sans doute la plus drôle du film) qui fait écho à celle du speed-dating de "Je préfère qu’on reste ami" ou aux commissions d’office de "Tellement proches" (et qui étaient, également, les scènes les plus drôles de chacun de ces films). Ainsi, malgré un sujet inattendu, "Samba" souffre de son manque d’originalité et doit, au final, son salut au savoir-faire de Toledano et Nakache qui parviennent, tout au long du film, à sauver les meubles grâce à une réplique qui fait mouche ou un gag qui amuse. Cet habillage humoristique fait, pour autant, un peu office de cache-misère, tant le film parait ne pas avoir grand-chose à raconter. Certes, il humanise, par le parcours de Samba (Omar Sy, très bien mais moins surprenant qu’à son habitude) et une pléiade de personnages lumineux (Charlotte Gainsbourg attendue mais attendrissante, Tahar Rahim étonnant en dragueur brésilien ou presque, Izia Higelin gentiment rebelle…), un vrai sujet de société souvent désincarné. Malgré tout, j’avoue ne pas avoir trouvé le film particulièrement touchant. Et ce n’est pas le final, franchement tiré par les cheveux, qui m’a fait changé d’avis… Reste un film agréable, traversé par des saillies comiques salvatrices mais dont la réussite relative (et son succès relatif qui doit beaucoup à "Intouchables") devrait, je l’espère, amener les réalisateurs a moins s’aventurer sur des terrains si peu propices à l’humour. Sauf s’ils parvenaient à la traiter avec davantage de talent…