Trois ans après l’immense succès de leurs Intouchables, Eric Toledano et Olivier Nakache sont de retour sur les écrans avec une comédie dramatique sociale attendue au tournant. En effet, le duo de metteurs en scène et leur nouvel acteur fétiche, Omar Sy, travaillent pour l’occasion sous la pression populaire, appelés qu’ils sont à renouveler l’exploit d’éblouir public et critiques de par leurs travaux tragi-comiques et surtout socialement engagés. On pouvait alors pressentir, sans trop risquer de s’avancer, que Samba ne serait pas aussi prestigieux, question de point de vue, qu’Intouchables, et ce, sur bien des points. Oui, les deux cinéastes, leur acteur vedette et les nouvelles têtes solides au casting n’y peuvent rien, le train est passé et ne semble pas revenir les ramasser au passage. Samba s’apparente alors, malgré pléthore de qualités d’interprétation et d’écriture, à un long-métrage qui radote, un film autosuffisant surfant sur un succès passé tout en tentant l’expérience de faire découvrir les dessous de l’immigration.
Les mauvaises langues, oh les méchantes, diront sans doute qu’après les handicapés, voici les immigrés. Pourrait-on réellement leur donner tort? Oui et non. On assimile très rapidement vers quoi les réalisateurs veulent se diriger. Comme précédemment, il est question de dédramatisé par l’humour et une certaine forme de poésie un statut social plutôt tristounet, ici la condition des sans-papiers. L’univers des demandeurs d’asile errants dans les rues et faubourgs de la capitale, en attente d’une décision judiciaire. Voilà le cadre de cette curieuse chronique sociale populaire qui n’égale jamais la touchante justesse du film précédemment évoqué, ni son humour sincère, modèle créatif désormais inévitable pour Eric Toledano et Olivier Nakache. Tout le monde ici est emplit de bons sentiments. Mais tout le monde, c’est un paradoxe, semble évoluer en pilotage automatique, guidé par l’envie de plaire à autrui, de ne froisser personne et surtout de toucher les consciences sans le moins du monde heurter le peuple de France. Le produit semble alors artificiel, préconçu.
Malgré ce manque cruel de percussion narrative, d’intérêt scénaristique, le comédien principal, le désormais international Omar Sy, s’en sort avec les honneurs. Composant un pur produit de l’immigration africaine, comportement et accent à l’appui, le comédien démontre tout son talent, d’un naturel impeccable. On sent l’acteur dans son élément et cela constitue une réelle plus-value. Par ailleurs, les seconds rôles ne sont dépourvus d’intérêt puisque interpréter par rien de moins que Charlotte Gainsbourg, touchante mais parfois caricaturale, Tahar Rahim, une fois de plus excellent mais presque trop rare, et l’émergeante Izïa Higelin, qui cabotine parfois mais qui fait montre d’un certain charisme. En somme, les metteurs en scène ont su s’entourer d’acteurs confirmés, tous très naturels, très bien dans la peau de personnages communs mais au potentiel indéniable. Qu’on les apprécie ou non, avouons que les comédiens sont la vraie force de Samba. Du moins, l’une des seules forces de Samba.
Film attendu mais décevant sur le plan de son impact social et humoristique, Samba n’est jamais vraiment drôle, il n’apparaît jamais comme un véritable moteur pour le cinéma français. En effet, beaucoup attendaient de Toledano et Nakache, à la suite d’Intouchables, qu’ils montrent l’exemple, qu’ils puissent constituer à eux deux l’avenir du cinéma populaire hexagonal. Les illusions en sont brisées même si rien ici n’est foncièrement mauvais, bien au contraire. Oui, à la suite d’une admirable comédie au succès retentissant, Samba fait forcément pâle figure. Mais qu’importe, ce n’est peut-être là qu’une étape pour les réalisateurs qui se verront, dans le futur, obligés de se démarquer de leur film de référence pour offrir autre chose. On espère du moins pour eux qu’ils y parviendront. 09/20