Ce long métrage est très différent de ce à quoi le cinéma nous a habitué récemment pour les enfants et nous l'avons trouvé très réussi.
Il y a déjà le scénario : Avril et le monde truqué est une uchronie, c'est-à-dire une réécriture de l'histoire sur la base de la modification d'un élément. Si l'histoire se déroule à Paris en 1941, ne vous attendez pas à y retrouver ce que vous connaissez de l'époque. Dans ce film, Napoléon V règne sur la France, la guerre contre la Prusse n'a pas eu lieu et la science en est restée au stade de la révolution industrielle. Il faut dire que les savant ont une fâcheuse tendance à disparaître dans le monde entier, quand ils ne sont pas recrutés pour aider l'armée (une guerre a lieu pour la possession des forêts du Canada, toutes celles d'Europe ayant déjà été rasées).
Avril, c'est l'arrière-petite-fille du savant qui va mourir avec Napléon III dans l'explosion de son laboratoire alors qu'il admettait à l'Empereur qu'il avait échoué dans sa poursuite du sérum ultime, celui qui doit rendre les soldats invicibles. Son fils Prosper, puis son petit-fils Paul et sa femme Annette, continuent sa quête en vain, dans des conditions difficiles puisqu'ils doivent se cacher. C'est dans cette ambiance que grandit Avril, avec pour seul ami Darwin, un chat qui parle (conséquence d'un sérum qui ne lui a pas donné l'invincibilité mais la parole !).
Au début du film, Avril perd toute sa famille dans une course-poursuite et une explosion. Elle va grandir seule avec son chat, vivant de petits larcins, et trouvant refuge dans la tête d'une gigantesque statue de Napoléon. A son tour, elle cherche à trouver le sérum ultime car Darwin se fait vieux et qu'elle ne peut pas imaginer le perdre. Pendant ce temps, l'inspecteur Pizoni, qui a bien failli arrêter ses parents la dernière fois qu'elle l'a vu, mène toujours l'enquête et fait suivre la jeune fille, car son grand-père n'a jamais été retrouvé. C'est lui qui met Julius, jeune voyou sympathique, sur ses traces.
En ce qui concerne l'univers graphique, les fans de BD auront reconnu l'univers de Jacques Tardi. Pour un dessin animé jeunesse, c'est plutôt sombre, voire même un peu lugubre par moments. Mais cela colle tout à fait au sujet : ce Paris couvert de suie, dans lequel on peut reconnaître des éléments que nous connaissons, mais dans un monde qui a évolué différemment, fonctionne tout à fait. Pour un peu, on tousserait un peu de cette atmosphère lourde où règnent la vapeur et le charbon ! L'équipe du film est donc partie de dessins non animés pour créer une nouvelle histoire et la mettre en mouvement. Résultat, une esthétique originale et agréable à regarder.
Le personnage d'Avril vaut un coup de projecteur : loin des filles plutôt princesses si présentes sur les écrans de cinéma, on découvre ici un rôle féminin plus à l'aise en blouse blanche qu'en robe rose. Avril a trop souffert pour se lier facilement et se protège en affirmant haut et fort qu'elle n'a besoin de personne. Elle est persévérante, courageuse et a de la répartie.
Le film est plein d'action et de rebondissements, avec un rythme rapide qui ne perd pas les spectacteurs. Pas le temps de s'ennuyer : Avril, poursuivie par la police, doit retrouver sa famille et comprendre ce que deviennent le savant, tout en cherchant l'antidote contre la vieillesse et la mort. Mais entre deux scènes de suspense, on rit aussi, devant ce monde étrange, ce grand-père téméraire et ce chat qui parle.
Et puis il y a aussi le message écologique, sur la préservation de la vie et le danger des connaissances scientifiques, qui certes peuvent apporter beaucoup mais aussi coûter beaucoup... En témoigne, le seul arbre existant encore dans cette France alternative, préservé comme une pièce de musée au Grand Palais.
On a aussi apprécié les voix, notamment, de Marion Cotillard (Avril) et Jean Rochefort (le grand-père).
A noter : le Musée des Arts et Métiers présente, jusqu'au 6 mai 2016, une exposition liée au film. Nous envisageons de la visiter prochainement.