Jean-Paul Rouve signe, avec "les souvenirs", l'adaptation cinématographique du roman éponyme de David Foenkinos qui, par ailleurs, a participé au scénario. Des images aux couleurs chaudes, une musique "zen" convenue, un brin de nostalgie, beaucoup de bons sentiments et, sans grandes surprises, comme dans la vraie vie, oscillant entre tendresse et mélancolie, entre rires et pleurs refoulés, émaillé d’un humour plus ou moins subtil, ce film déroule humblement une tranche de vie familiale, égrenant des émotions simples, subissant la fuite du temps et regrettant d’être souvent passé à côté de moments précieux sans les savourer. Ce film sera aussi, pour le réalisateur, l’occasion de nous proposer toute une galerie de portraits de personnages normaux dans des situations banales tout autant qu’exacerbées. Bref, il joue au spectateur le rôle d’un miroir dans lequel, bien souvent, il se mire, multipliant les regrets et accumulant les remords. Qui n’a pas connu le problème de la vieillesse d’un parent qui ne peut plus rester chez lui, qu’on doit loger dans ces maisons de retraite où, peu à peu, on les enferme dans notre indifférence. L’aïeule à la maison de retraite, c’est la vente de l’appartement, qu’on n’ose avouer. Madeleine se demande ce qu'elle fait avec tous ces vieux. Alors, elle disparaît, elle s’évade à la recherche de ses souvenirs, de sa jeunesse à jamais perdue. Ce moment nous donne à déguster plusieurs séquences délicieusement comiques, notamment lorsque l’inspecteur (Arnaud Henriet) s’enquiert de la majorité de la mère de Michel Esnart. Mais la vieillesse, c’est aussi la retraite, celle de Michel, il fait semblant de s’en moquer, avec sa cérémonie formelle et bâclée, avec son cadeau commun précédant l’oubli des collègues et un après empli d’une ennuyeuse inactivité. Un premier pas vers la dépression et le ressentiment refoulé.
Pourtant, l’important, pour le cinéaste, c’est la jeunesse, celle de l’enfance et de ce qu’il en reste. C’est aussi la jeunesse du cœur car c’est en reconstruisant les souvenirs de sa grand-mère que le héros trouvera l'amour de sa vie dans une école maternelle. C’est aussi en se remémorant une belle phrase dite à vingt ans qu'un vieil amoureux sauvera son couple. C’est aussi la fringance de la philosophie de comptoir "Quand le présent n’avance plus, il faut mettre de l’essence dans le passé !"
La distribution est à l'image de la complicité intergénérationnelle que prône le film. Autour d’une grande dame du spectacle, l'âme de ce film, Annie Cordy, tour à tour espiègle et absente, forte puis vacillante, gravitent des comédiens aguerris, Michel Blanc, Chantal Lauby, mère de Romain, Audrey Lamy, piquante directrice de maison de retraite, et des jeunes prometteurs Mathieu Spinosi, William Lebghil, le colocataire dragueur.
Dans ce film que d’aucuns qualifieront d’un brin gnangnan, le mélancolique Jean-Paul Rouve nous prouve qu’il sait, avec une réelle tendresse, nous faire rire de la déprime.