Voilà un film qui porte bien son nom ! Avec cette production, le réalisateur Jean-Paul Rouve réussit à surprendre le spectateur avec un sujet relativement tabou, en tout cas rarement traité au cinéma : celui du sort de nos aînés dès lors qu’ils atteignent un certain âge. Personnellement, c’était un sujet qui me parlait et j’avais très envie d’aller le voir au cinéma, bien qu’il n’offre pas de grand spectacle digne des salles obscures.
A défaut de spectaculaire, Rouve nous offre une réalisation intimiste, toute en émotions, pleine de bons sentiments, et nous prouve qu’il a une réelle sensibilité.
D’ailleurs il a réussi à me surprendre sur le gros plan qui a mis en évidence une paire de charentaises laissée vide par la disparition du mari de Madeleine. Ce plan est une image très parlante, et appuie bien le fait qu’une absence peut être décidément bien pesante. Madeleine se retrouve seule, accompagnée de cette solitude inattendue, lot de toute femme veuve (ou de tout homme veuf), mais qui essaie de le cacher à sa famille pour faire bonne figure.
Madeleine est interprétée par la regrettée Annie Cordy, à qui j’accorde ma mention spéciale. Elle m’a littéralement surpris. Que dis-je ? Bluffé par son interprétation, par sa richesse quant au panel de son expression scénique : la détresse lors des funérailles de son défunt mari, le poids de la solitude, le fait d'être déracinée de chez elle ("je veux rentrer chez moi!"), le sentiment d’être envoyée dans un mouroir (maison de retraite), la quête de se rappeler le bon vieux temps afin d'oublier cette mauvaise sensation d'être poussée vers la porte de sortie.
Mais Les souvenirs, c’est aussi un film coup de poing sur le sort cruel de nos vieux réservé parfois par leur descendance. Sous prétexte de la moindre défaillance, et pour éviter tout éventuel souci supplémentaire, la descendance se dédie de toute responsabilité en prenant des mesures radicales, certes coûteuses (notion non abordée ici), mais si faciles. Il n’y a qu’à mesurer le choc que ça peut représenter pour les nouveaux arrivants dans de telles structures par le jeu d’Annie Cordy.
Michel Blanc me semble parfait dans le rôle du fils qui prend au final seul la décision, se réfugiant derrière le sentiment que c’est pour le bien de sa mère. Jamais responsable, au bord de la déprime, ce jeune retraité tutoie en permanence la crise de calimérolite aigüe, ce qui a le don de nous agacer, et de s’attirer certaines risées, notamment celles de son fils tellement il est ridicule dans ses réactions et ses arguments. D’autant plus que personne ne s’inquiète de la vraie raison de la chute de Madeleine dans son appartement, cette chute qui est l’élément déclencheur de son placement.
Mathieu Spinosi bénéficie d’un rôle difficile, celui du petit fils attaché à sa grand-mère, mais s’en sort admirablement en étant pour moi une bonne petite révélation. Par contre, Audrey Lamy en directrice est parfaite en personnage superficiel, quoiqu'un peu trop caricaturale à mon goût.
Je retiens également la superbe photographie de Christophe Offenstein, nous offrant une belle collection de portraits dont l’expression égale voire dépasse la teneur de leurs paroles. Les souvenirs est donc un film à voir absolument, car il concerne tout le monde de par le sujet vieux de quelques décennies déjà et, destiné à durer encore et encore… n’est pas près de vieillir. Un sujet d'actualité qui apprend bien des choses et qui devrait nous amener à réfléchir.