S'il y a bien un homme heureux en ce début d'année 2015, il s'agit très certainement de l'écrivain français David Foenkinos, qui pour la seconde fois de sa carrière, voit l'un de ses romans être adapté au cinéma. S'il c'était donné le droit et surtout le culot en 2011 d'adapté lui-même l'un de ses romans (« La Délicatesse »), ici il fait plutôt le choix de laisser les commandes à Jean-Paul Rouve, qui de son côté saisi là une opportunité de signer une troisième réalisation. Un choix qui va s'avérer être judicieux de la part de l'écrivain français, puisque la collaboration entre les deux hommes va faire preuve d'une grande efficacité.
« Les Souvenirs » raconte l'histoire de Romain, 23 ans veilleur de nuit dans un hôtel, qui constate que son entourage tourne des pages essentielles de leur vie avec plus ou moins de difficultés. Son colocataire ne pense qu'à séduire les filles, sa mère ne supporte plus la routine dans son couple et son père semble quelque peu perturbé par son passage à la retraite. Mais surtout, sa grand-mère âgée de 85 ans refuse de voir sa vie lui échapper, alors quand vient l'heure de la maison de retraite, elle qui ne ressemble à personne d'autre, elle décide de s'évader. Romain part à sa recherche.
Avec beaucoup de maîtrise et de cohérence, David Foenkinos et Jean-Paul Rouve nous proposent à travers l'histoire de cette famille ordinaire, une réflexion intéressante sur la vie, le temps qui passe et nous échappe, mais aussi le rapport aux autres. Sans pour autant révolutionner le genre, la réalisation nous offre alors un scénario parfaitement dosé entre émotion et comédie douce, dans un réalisme frappant et où la surenchère n'existe pas. Une volonté certaine donc du réalisateur et son équipe, de crédibilisé un maximum le film. Pour se faire, Jean-Paul Rouve va même se permettre, en accord avec l'auteur du roman, quelques apartés, quelques modifications scénaristiques plutôt bienvenus et même quelques moments d'improvisations palpables : la scène de l’hôpital entre Michel Blanc et Mathieu Spinosi devant la machine à café par exemple semble quasiment improvisé tandis que la création du colocataire de Romain pourtant inexistant dans le roman est intéressante … Une adaptation qui se démarque donc suffisamment du roman, pour en faire une réalisation quasi impeccable, tout en restant suffisamment proche du récit d'origine pour en faire une œuvre honorable, et c'est bien avec cette parfaite maîtrise de son sujet que Jean-Paul Rouve nous prouve à qui en doutait encore, qu'il fait partie de ces comédiens qui ont réussi leur passage derrière la caméra. Pourtant « Les Souvenirs » n'est pas exempt de quelques bémols, et fait même parfois preuve de quelques faiblesses, qui n’enlève pourtant rien à la beauté de l’œuvre mais qui l’empêchera peut-être d'atteindre des sommets. Ainsi, on constatera que le récit manque parfois de rythme, de substance, comme si il se cherchait un second souffle pour pouvoir tenir les 1h30 de réalisation prometteuse (second souffle qu'il retrouvera grâce à la bonne performance des acteurs). Un manque de rythme pas bien méchant donc mais que les détracteurs du film ne manqueront pas de souligner avec insistance. Autres petit bémol à mon goût, les souvenirs... aussi surprenant que cela puisse paraître, les souvenirs en eux-mêmes sont paradoxalement absent du récit. S'il on comprend bien certes que les protagonistes vont puiser dans leurs souvenirs pour pouvoir mieux avancer, ils ne seront pourtant quasiment jamais matérialisés, le réalisateur laissant plutôt place à l'abstrait et surtout préférant mettre en avant les relations humaines qui uni la famille. Alors, pour pallier à ces quelques lacunes, Jean-Paul Rouve va puiser dans la comédie d'antan pour constituer un casting parfait et faire preuve là aussi de justesse, car ce qui frappe avant tout, ce sont les talents des acteurs qui font vivre leurs personnages avec beaucoup de naturel, jusqu'à lès rendre terriblement attachant.
Coté casting donc on y retrouve d'abord des symboles de la comédie d’antan avec, un Michel Blanc (le Splendid) excellent dans son rôle de bougon, râleur en pleine crise interne, un Jean-Paul Rouve lui-même (les Robins des Bois) génial tout en décalage dans le petit rôle qu'il s'est accordé, et une Chantal Lauby (les Nuls) qui réussit sans mal sont interprétation. Puis à côté de ces grands noms du cinéma apparaît quelques jeunes pousses plutôt issu de la TV française à l'image d'Audrey Lamy et de William Lebghil (le colocataire / aperçu dans la série Soda), deux acteurs à l'avenir très prometteur. Mais surtout, la présence de Mathieu Spinosi et de Flore Bonaventura sont deux belles idées de casting, l'un se montre à ma grande surprise tout à fait à la hauteur du personnage interprété (Romain, personnage principal du récit, il est surtout le seul de sa famille à se projeter ver l'avenir), l'autre ravissante apporte une fraîcheur incontestable au film, tandis qu'elle occupera une place importante dans le cœur de Romain. Enfin, au milieu de tout cette flopée d'acteur, on retrouve la doyenne du casting : Annie Cordy 86 ans, touchante avec ses petites mimiques et son regard vrai, adorable et surtout parfaite comme jamais auparavant. Elle illumine ainsi le film à elle toute seule, alors chapeau bas Madame Cordy.
Finalement, « Les Souvenirs » est une petite comédie dramatique surprise, que personne n'attendait vraiment. D'ailleurs plus drôle que dramatique, il ne fait aucun doute que l'auteur du roman ne regrette en rien sa collaboration avec Jean-Paul Rouve, tandis que ce dernier commence à se dessiner une carrière intéressante de réalisateur. Avec le temps, il semble même d'avantage prendre plaisir à créer des personnages, diriger des acteurs et se pencher sur des œuvres prenantes. Ici, tout simplement un beau projet.