Antoine, la vingtaine désœuvrée, s’est mis en tête d’aller voir la mer. Où ? Peu importe. Comme on le comprend dans une séquence d’ouverture savoureuse, le jeune homme n’est pas du genre à s’embarrasser de détails ou de conventions. S’il veut aller voir la mer, il prend le premier train qui l’y amène, et s’il rencontre une fille qui lui plaît, il la suit à n’importe quel prix.
Bravache et maladroit, indécis mais volontaire, le personnage principal de Quand je ne dors pas, film réjouissant de Tommy Weber, apparaît ainsi comme un être perpétuellement en mouvement qu’aucune déconvenue ne semble pouvoir arrêter. Interprété par le formidable Aurélien Gabrielli, il est le principal atout charme du film, auquel il transmet son énergie et sa liberté effrontée. A l’image de ce personnage principal singulier, Quand je ne dors pas va en effet là où ses envies le portent, dans un plaisir pur de cinéma et de fantaisie.
Le film s’offre ainsi un noir et blanc classieux qui plonge le récit dans une atmosphère atemporelle de polar ou de comédie romantique tragique. Il n’en est pourtant rien, puisque Quand je ne dors pas se nourrit de ses propres références, oniriques et musicales, qui multiplient les pastilles décalées et parfois osées comme autant de parenthèses joyeuses. On suit donc Antoine dans sa déambulation nocturne parsemée de rencontres tour à tour étonnantes, poétiques ou tout simplement cocasses qui forment en creux son portrait ténu et subtil. On pense souvent au très beau film allemand Oh boy de Jan Ole Gerster qui, en 2013, suivait également un jeune homme désœuvré dans un Berlin nocturne plein de surprises.
Comme une réponse française, Quand je ne dors pas capte lui aussi la réalité d’une époque et d’une génération, mais sans jamais lorgner du côté du film manifeste ou didactique. Gommant presque toute contextualisation (qui est réellement Antoine ? Que fait-il de sa vie ? Quelles sont ses aspirations ?), Tommy Weber se concentre sur cette nuit, et sur le voyage qu’entreprend son héros à la recherche des autres, et forcément de lui-même. Mi-romantiques, mi-fantastiques, ses mini-aventures l’obligent finalement à se dévoiler dans une dernière scène touchante et troublante filmée en très gros plan qui fait écho au plan d’ouverture. On comprend que c’est pour lui le début d’autre chose : une nouvelle journée à emplir d’émotions, de couleurs et de fantaisie.